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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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écrits de Lénine et des cercles sociaux-démocrates dont
les militants russes ignorent le géorgien, la langue qui le propulse hors du
cercle provincial étroit où l’aurait enfermé sa condition d’origine, bref celle
de son affirmation comme révolutionnaire. En 1950, dans Le Marxisme et les
problèmes de linguistique, il n’évoquera jamais le géorgien.
    Le séminaire a été pour lui l’occasion d’acquérir des
connaissances en histoire, en littérature, en grec ancien notamment, dont il
gardera le souvenir jusqu’à la fin de ses jours. Il a surtout marqué à jamais
sa vision des hommes et le vocabulaire qui s’y attache. Il assimile ainsi,
systématiquement, les erreurs et les fautes à des péchés. En 1927, il conseille
à Khrouchtchev, coupable d’avoir voté pour Trotsky en 1923, de renier
publiquement ses « péchés passés [80]  ».
Dix ans plus tard, en juin 1937, un apparatchik jure par écrit de n’avoir « péché
ni en pensée ni en acte ni contre le Comité central, ni contre le camarade
Staline [81]  ».
La formule religieuse va de soi pour lui.
    Le séminaire a laissé sur Staline une empreinte indélébile
que sa révolte n’effacera pas. Les séminaires russes, souligne Anatole
Leroy-Beaulieu, ont un caractère de caste. Or, d’emblée, il voit dans le Parti,
qu’il définira plus tard comme « un ordre de porte-glaive », une
caste fermée, réservée à une élite. N’y entre pas qui veut. Il faut en être
digne et y être initié.
    Staline a donc, des années durant, baigné dans un microcosme
humain où tout le monde ment et dissimule ; les moines professent des
vertus qu’ils n’exercent pas ; les élèves feignent d’accepter une
institution qu’ils exècrent. L’hypocrisie règne en maître : les paroles n’expriment
pas la pensée réelle de l’individu, elles la dissimulent. Une arrière-pensée
secrète se cache derrière son expression apparente. Il a observé cette
dichotomie généralisée entre les paroles et les pensées, et a lui-même, pour
rester au séminaire, feint d’exprimer une foi perdue, d’accepter des règles
honnies et de se prêter à un cérémonial vide de sens. Il a appris à avoir deux
visages, celui, trompeur, qu’il montre aux autorités, et sa face réelle, qu’il
ne découvre qu’à ses camarades. Sa fille insiste sur l’influence énorme que
cette école de l’Église a exercée sur lui : « De son expérience du
séminaire, il a tiré la conclusion que les gens sont intolérants, grossiers,
trompent leur "troupeau" pour le tenir en mains, intriguent, mentent
et, en fin de compte, ont énormément de faiblesses et très peu de vertus [82] . » Parvenu
au faîte du pouvoir, encensé, acclamé, applaudi, il s’acharnera à débusquer le
sentiment réel caché sous le masque. Le vocabulaire stalinien s’articulera
alors autour de deux mots-clés : « démasquer » et « l’individu
à double face », la face visible, truquée, et la face hideuse, dissimulée.
    Le séminaire lui a appris la vertu du silence. Laisser les
autres s’exprimer et se taire pour ne pas se trahir. Mieux vaut écouter que
parler. Il interviendra fort peu dans les congrès, sauf lorsqu’il sera devenu
le chef omnipotent du Parti et de l’État, mais à cette époque il n’en réunira
plus guère. Il ne sera jamais un homme de débat et de discussion. L’enseignement
dogmatique du séminaire, fondé sur la vérité révélée et l’acceptation
obligatoire de la parole sacrée, ne l’y a pas formé.
    Le séminaire lui a aussi appris la discipline et la maîtrise
de soi, le contrôle strict de ses sentiments et de ses réactions. Il se défie
de sa spontanéité comme de celle des masses. Toute manifestation extérieure
est, chez lui, calculée. Le séminaire lui a enseigné un vocabulaire, une forme
d’exposition et un style. Ignorant le mouvement de la démonstration, l’exposé
revêt chez lui la forme du catéchisme, par le jeu des questions et des réponses
déjà contenues dans la question même, par la répétition, la litanie de la même
idée orchestrée avec des variations infimes, où l’accumulation fait office d’argumentation.
Un de ses (rares) écrits de 1904, perdu, s’intitulait de façon significative « Le
credo ».
    Staline n’a ni facilité d’écriture ni éloquence. Ce double
handicap développe chez lui méfiance et aversion à l’égard des intellectuels et
des orateurs. Aux théoriciens et aux

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