Staline
nazie doit unifier l’Europe
sous sa botte et réduire l’URSS au stade de colonie, fournissant à bas prix
matières premières et céréales.
Hitler a par ailleurs déduit de la mésaventure finlandaise
que l’URSS est une proie facile. Le 18 décembre, il signe la directive 21,
dite plan « Barberousse », d’attaque de l’URSS. Le 29 décembre,
l’attaché militaire soviétique à Berlin, le général Toupikov, informe Staline
de la décision et annonce l’invasion pour mars 1941.
CHAPITRE XXV
Le guide aveugle
Le 2 janvier, Staline convoque les principaux chefs
militaires au Kremlin. Il les reçoit, entouré des membres du Bureau politique,
les salue d’un signe sec de la tête, les invite à s’asseoir et attaque :
il n’a pas dormi de la nuit, dit-il, pour lire le projet de discours final que
Timochenko doit prononcer à la conférence de l’état-major, réunie depuis quatre
jours, et lui communiquer ses corrections. Trop tard, la réunion est finie !
Timochenko proteste : il lui a envoyé son projet il y a quelque temps déjà ;
Staline explose : « Je ne suis pas obligé de lire tout ce que l’on m’envoie [1046] . » En
fait, en ce début d’année, une peur panique le paralyse, l’aveugle et le rend
sourd aux avertissements.
Le lendemain, Hitler réunit à Berlin les chefs d’état-major,
Ribbentrop et quelques officiers supérieurs. Il leur affirme sa confiance en
Staline : « un sage », dit-il. Sans agir directement contre l’Allemagne,
« il accumulera les difficultés chaque fois que l’occasion s’en présentera ».
L’Angleterre, poursuit-il, ne continue la guerre que parce qu’elle attend l’intervention
russe qui lui permettrait, avec l’aide des États-Unis, de former une véritable
armée. « C’est cela qu’il faut éviter en taillant les Russes en pièces dès
maintenant [1047] . »
Quinze jours plus tard, recevant Mussolini au Berghof, du 18 au 20 janvier,
il lui affirme : « Tant que vivra le sage et prudent Staline, aucun
vrai danger ne se présentera [1048] »
du côté soviétique.
Staline se conduit effectivement avec prudence et multiplie
les gestes amicaux. Il autorise l’attaché de l’air allemand, le général
Aschenbrenner, à visiter les usines d’aviation soviétiques les plus modernes.
Le 10 janvier 1941, Moscou signe avec Berlin un nouvel accord
commercial. Pour mieux tromper Staline, les Allemands ont détaillé dans le
texte de l’accord les livraisons qu’ils attendent et promettent jusqu’en août 1942.
La signature de l’accord intervient entre deux séries de manœuvres militaires
soviétiques, qui se déroulent du 2 au 6 janvier et du 8 au 11 :
toutes soulignent les faiblesses de l’Armée rouge. Staline s’énerve et, le 13 janvier,
convoque le haut commandement au Kremlin avec la direction du commissariat à la
Défense et les commandants des troupes des districts militaires. Meretzkov
entame la lecture d’un rapport sur les deux séries de manœuvres. Staline l’interrompt
grossièrement deux ou trois fois, le chef d’état-major, affolé, s’embrouille,
se répète, perd le fil de ses idées, bafouille. Staline tranche : « Le
malheur, c’est que nous n’avons pas de véritable chef d’état-major. Il faut
remplacer Meretzkov », et met les militaires dehors. Le lendemain, il
mande Meretzkov et Joukov vingt minutes au Kremlin, annonce au premier sa
révocation et au second sa promotion. Joukov objecte qu’il n’a jamais travaillé
dans un état-major. Staline balaie l’objection : « Le Bureau
politique a décidé de vous nommer [1049] . »
Joukov se met au travail et découvre que le commissariat aux
Transports de Kaganovitch n’a aucun plan de mobilisation des chemins de fer de
la zone occidentale du pays en cas de guerre. Il en réclame un. Kaganovitch
refuse de s’y atteler, Staline doit le lui ordonner personnellement. Plus
fâcheux : selon Joukov, il s’intéresse très peu à l’activité de l’état-major,
dont il n’écoute les rapports, comme ceux du commissaire à la Défense, que
rarement et avec une attention plus que flottante. Joukov n’arrive pas plus que
ses prédécesseurs à lui exposer complètement la situation de la défense du
pays, les questions militaires les plus urgentes et les possibilités de l’ennemi
potentiel. Staline accorde aussi peu d’intérêt aux rapports des commandants de
front. Pavlov lui en adresse un, le 18 février, à propos
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