Staline
tard.
Les nazis mènent en Union soviétique une véritable guerre d’extermination.
Himmler, dans un discours prononcé le 13 juillet devant une division SS à
Szczecin, définit les Slaves comme « une population […] dont le physique
est tel qu’on peut les abattre sans éprouver ni pitié ni compassion ». Il
donne à cet appel au massacre une coloration idéologique : « Tous ces
gens ont été amalgamés par les juifs en une seule religion, une même idéologie
appelée bolchevisme [1121] . »
Deux semaines plus tard, Hitler, qui veut transformer la Crimée en Riviera
germanique à l’usage exclusif de la « race supérieure », déclare, au
cours d’un repas : « Les Ukrainiens sont aussi fainéants […] que les
Russes […]. Il vaut mieux ne pas leur apprendre à lire. » Il rend hommage
à son rival : « Staline est l’un des plus grands hommes vivants,
puisqu’il a réussi, toutefois seulement grâce à la plus dure des contraintes, à
forger un État à partir de cette famille de lapins [1122] . » Le
dignitaire nazi Koeppen partage cette admiration ; pour bien montrer l’estime
qu’il porte à Erich Koch, ancien Gauleiter de Prusse-Orientale, nommé Gauleiter de l’Ukraine occupée, transformée en commissariat du Reich, il le qualifie de « deuxième
Staline ».
L’état-major de la Wehrmacht promulgue un règlement, le 8 septembre 1941,
qui stipule que le « soldat bolchevik », endoctriné contre le
nazisme, « a perdu le droit d’être traité en soldat honnête selon la
convention de Genève [1123] ».
D’ailleurs, explique une semaine plus tard le général Keitel, chef d’état-major,
« la vie humaine dans les pays concernés n’a aucune valeur [1124] ». Aussi,
même en Ukraine, où des milliers de paysans, rescapés de la famine meurtrière
de 1932-1933, ont accueilli d’abord les soldats allemands en leur offrant du
pain, du lait, des fruits, voire des fleurs, la haine de l’envahisseur grandit
vite et surpasse bientôt la rage vis-à-vis du NKVD. Ce n’est pas encore un
facteur militaire, mais cela le deviendra l’année suivante.
Le 15 juillet, la Wehrmacht parvient aux portes de
Smolensk, la dernière grande ville avant Moscou, à 600 kilomètres à l’est
de la frontière… vingt-quatre des 44 divisions soviétiques du front Ouest
ont été complètement anéanties, les 20 autres ont perdu de 30 à 90 %
de leurs hommes : au total plus de 340 000 soldats ont été tués,
4 799 tanks, 9 427 canons et mortiers, et 1 777 avions
ont été détruits ou sont tombés entre les mains des Allemands. Le 16 juillet,
la Wehrmacht occupe le sud de Smolensk dont la prise semble imminente. Staline,
hors de lui, convoque l’état-major et Joukov et les insulte. C’est ce que
Joukov appelle « supporter tout le poids de la colère stalinienne ».
Il accuse le nouveau commandement du front Ouest de considérer avec
désinvolture la reddition de Smolensk et d’être favorable à l’évacuation, crime
qui frôle la trahison ; il ordonne « a) de briser d’une main de fer
de telles dispositions d’esprit qui souillent le drapeau de l’Armée rouge, b)
de ne livrer en aucun cas Smolensk à l’ennemi [1125] ». Comme
une bataille acharnée se livre encore dans quelques faubourgs, Staline a l’idée
folle de passer à la contre-attaque. Alors que la ville est presque tout
entière entre les mains de l’ennemi, il interdit au Bureau soviétique d’information
de l’annoncer.
Le 20 juillet, il déclare par téléphone à
Timochenko : « Je pense que le moment est venu pour nous de passer
des méthodes de grippe-sou à des actions par grandes unités », et il lui
donne l’ordre utopique d’encercler et d’anéantir l’ennemi dans la région de
Smolensk et de « reprendre la ville à tout prix [1126] ». Les
armées qui combattent autour de la ville sont inférieures en nombre, et
certaines sont déjà encerclées. Timochenko rassemble toutes les forces
disponibles avec quelques dizaines de canons, de tanks et d’avions. La
contre-attaque, menée sans couverture aérienne et avec une artillerie
défaillante, ne freine guère l’avancée des troupes allemandes.
Le recul permanent de l’Armée rouge suscite dans ses rangs
panique, désertion, automutilation. Au 20 juillet, les troupes spéciales
du NKVD sur le front Ouest ont arrêté 103 876 fuyards, renvoyés en
majorité au combat. Les mutilations volontaires de
Weitere Kostenlose Bücher