Staline
prise de la ville : 412 entreprises travaillant
partiellement ou en totalité pour la défense sont minées pour être
détruites ; 707 entreprises civiles seront sabotées et incendiées. Il
la signe. Le 10 octobre, la Wehrmacht est à 40 kilomètres de Moscou.
Cinq divisions des XXII e et XXIX e armées sont jetées
en toute hâte sur la chaussée de Mojaisk pour l’arrêter. Le Comité de défense
envoie des milliers de jeunes filles et de jeunes femmes armées de pelles et de
pioches creuser des tranchées antichars aux abords de la ville. Les chars
allemands les mitrailleront comme à l’exercice. Le 14 octobre au matin,
sur la chaussé de Mojaisk, la 10 e division blindée allemande et
deux régiments de SS se lancent frénétiquement à l’assaut : la victoire
leur semble à portée de botte. Borodino est le théâtre de sauvages combats au
corps à corps.
Le 15, Staline signe un ordre d’évacuation au nom du Comité
de défense. Molotov doit informer les missions étrangères de leur évacuation
vers Kouibychev, l’ancienne Samara, située sur la Volga, au sud-est. Ce jour
même s’y rendent le présidium du Soviet suprême et le Conseil des commissaires
du peuple. Les commissariats à la Défense et à la Marine de guerre doivent
partir « sans tarder ». Kaganovitch s’occupe de leur transport et
Beria de leur protection. Le texte ajoute : « Le camarade Staline
sera évacué demain ou plus tard en fonction de la situation [1153] . » Enfin,
en cas d’apparition de la Wehrmacht aux portes de Moscou, le NKVD, Beria et
Chtcherbakov doivent « organiser le sabotage des entreprises, entrepôts et
établissements qu’il sera impossible d’évacuer, ainsi que de l’ensemble des
installations électriques du métro (à l’exclusion des conduites d’eau et des
canalisations) ».
Staline a-t-il envisagé un moment de quitter Moscou, dont la
chute paraît alors probable ? Un indice le laisse penser. À Kouibychev,
des travaux clandestins sont engagés en vue de la construction d’un énorme
bunker souterrain enfoui sous trois mètres et demi de dalles de béton et vingt
mètres de terre : il comprend six pièces destinées à accueillir Staline et
le GQG (un bureau pour Staline, trois pièces de travail, une chambre de repos
et une salle de réunion de plus de 70 mètres carrés). Le bunker doit
permettre à une centaine de personnes de travailler. Mais Staline n’y mettra
jamais les pieds et le bâtiment n’accueillera jamais personne, si ce n’est
quelques curieux après la chute de l’URSS. Il est en effet achevé le 16 décembre 1942,
à la veille de la victoire de Stalingrad.
Les indices en sens contraire ne manquent pas. Ainsi, à la
mi-octobre, le commissaire militaire Stepanov, de l’état-major du front Ouest
stationné à Perkhouchkovo, aux abords de Moscou, téléphone au GQG. Il informe
Staline que l’état-major propose de s’installer plus à l’est, à Arzamas, et le
poste de commandement plus près de la capitale. Après un long silence, Staline
déclare : « Camarade Stepanov, demandez aux camarades s’ils ont des
pelles. » Stepanov ne saisit pas. Staline répète : « Est-ce que
les camarades ont des pelles ? » Stepanov interroge les membres de l’état-major,
puis s’enquiert : « Des pelles de sapeur ou des pelles
ordinaires ? – Peu importe lesquelles », répond Staline.
Stepanov, tout heureux, l’informe qu’ils en disposent et lui demande ce qu’ils
doivent en faire. La réponse de Staline tombe comme un couperet : « Conseillez
à vos camarades de prendre les pelles et de creuser leurs propres tombes. Nous
ne quitterons pas Moscou, le GQG restera à Moscou, et quant à eux, ils ne
quitteront pas Perkhouchkovo [1154] . »
La Wehrmacht arrive à trente kilomètres de Moscou le 15 octobre.
Sûr de sa victoire, son état-major commet un double péché d’orgueil : il
fait avancer ses blindés et son infanterie sur les rares chaussées en
négligeant les champs alentours, permettant ainsi à Joukov de regrouper sur ces
axes ses troupes inférieures en nombre. L’état-major croit ensuite possible de
détacher une aile gauche du groupe du Centre dont la victoire est, croit-il,
assurée, pour renforcer l’offensive sur Leningrad, et une aile droite pour renforcer
l’offensive sur l’Ukraine. La promenade militaire attendue va se transformer en
catastrophe.
Ce même jour, une partie du gouvernement s’envole
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