Staline
désormais celui de Lénine…
C’est à cette époque que se stabilise le fonctionnement, dès
lors immuable, du Grand Quartier général. En présence de Molotov, Malenkov et
Beria, muets et impassibles, Staline y convoque à tour de rôle généraux,
commissaires du peuple, chefs de service, adjoints divers, qui viennent
rapporter et recevoir directives et réprimandes. L’arrivant n’a droit qu’à un
simple signe de tête et, dès son rapport fini, à une ou plusieurs questions.
Toute réponse un peu imprécise entraîne une réplique cinglante de
Staline : « Tu ne sais pas ? De quoi tu t’occupes alors ? »
Une fois l’échange terminé, l’invité doit déguerpir au plus vite. Le
commissaire aux Voies de communication, Kovaliov, souvent convoqué chez
Staline, n’est « pas une seule fois arrivé tranquille à [s]on bureau. Tu t’attends
toujours à une question à laquelle tu ne sauras pas quoi répondre. Il était d’une
sécheresse effrayante. […] par son pouvoir, sa mémoire, il écrasait, abaissait
tout le monde. L’homme qui venait le voir se sentait encore plus insignifiant
qu’il ne l’était en réalité [1158] ».
Roosevelt tente d’entraîner l’URSS contre le Japon. Peu
avant Pearl Harbor, il informe Staline que les Nippons préparent une attaque
imminente contre la région de Vladivostok et lui propose d’envoyer une mission
militaire américaine à Moscou pour discuter des mesures à prendre, et de
fournir des avions à partir de l’Alaska. Les renseignements fournis par les
agents soviétiques au Japon ne confirment pas ces informations. Convaincu, au
contraire, que le Japon n’attaquera pas, Staline fait transférer des troupes d’Extrême-Orient
sur le front de Moscou en novembre. Il doit néanmoins amadouer les Américains.
Staline ressort alors du placard le diplomate pro-occidental Litvinov, aux
allures de père de famille, réintégré aux Affaires étrangères dès la fin juin
mais utilisé seulement pour la diffusion d’émissions de radio en direction des
pays anglophones. À la mi-novembre, il le nomme ambassadeur à Washington et,
seul ambassadeur ayant une double charge, vice-commissaire aux Affaires
étrangères. Litvinov arrive à San Francisco, après un périple en avion de
vingt-deux jours, le 6 décembre, avec mission d’entraîner les États-Unis
aux côtés de l’Union soviétique. Le surlendemain, à l’aube, l’aviation et la
marine japonaises attaquent par surprise la flotte et l’aviation américaines
stationnées dans la rade de Pearl Harbor à Hawaï. Les États-Unis entrent alors
en guerre contre le Japon dans le Pacifique, mais pas contre l’Allemagne.
Néanmoins Staline est sûr désormais que le Japon n’attaquera pas en Sibérie…
Staline, mécontent de ses généraux, est aussi insatisfait de
son peuple. Pour le punir d’une attitude à ses yeux trop molle à l’égard de l’envahisseur,
il signe le 17 novembre 1941 l’ordre 0428 qui ordonne à l’Armée
rouge « de détruire et brûler entièrement toutes les localités situées à l’arrière
des troupes allemandes sur une distance de 40 à 60 kilomètres en
profondeur à partir des premières lignes, et sur 20 à 30 kilomètres à
droite et à gauche des routes », d’utiliser à cette fin « l’aviation,
l’artillerie et les mortiers, des commandos d’éclaireurs, de skieurs et des
groupes de sabotage de partisans », et de « créer dans chaque
régiment un commando de chasseurs de 20 à 30 hommes pour raser et
incendier les localités [1159] ».
Toutes ces forces seraient plus utiles contre la Wehrmacht, mais Staline veut
punir les civils qui ont laissé l’ennemi pénétrer dans leurs villes et leurs
villages. Après les incendies d’un été torride, les paysans voient ainsi leurs
villages brûlés par des commandos… de l’Armée rouge, bientôt imitée, à partir
de 1942, par la Wehrmacht décidée à faire payer à ces mêmes paysans les
attaques de partisans.
Le 3 décembre, flanqué de Molotov, il reçoit les
Polonais Sikorski, Kot et Anders, représentants du gouvernement exilé de
Londres. Staline a donné son accord à la constitution d’une armée polonaise en
URSS. Les trois hommes veulent l’entretenir de leurs difficultés à faire libérer
les Polonais internés dans les camps pour constituer leur armée. Sikorski s’inquiète
en particulier d’« une liste de 4 000 officiers emmenés de force
et qui se trouvent
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