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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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d’infériorité. Enfin, Staline n’a aucune
connaissance vivante du front et des armées au combat, qu’il ne visite pas. « Il
construisit, dit Joukov, toutes ses conclusions sur la base des rapports de ses
suppléants, de l’état-major général, des commandants de front et des rapports
spécialisés [1195] . »
En quatre ans de guerre, Staline fit deux petites visites au front, discrètes
et sans portée militaire. La première fois, à la fin d’octobre 1941, il se
rendit de nuit sur la chaussée de Volokolamsk, à une vingtaine de kilomètres à
l’ouest de Moscou, s’arrêta à quelques kilomètres du front, s’entretint avec un
commandant et s’en retourna. Après la guerre, faute de photographies, des
peintures à l’huile ou des montages le montreront, jumelles à la main, face aux
lignes allemandes. Il élabore donc sa stratégie en chambre. Roosevelt ne s’est,
lui non plus, jamais rendu sur le front ; mais ils ne prenaient que des
décisions politiques.
    Faut-il expliquer par la peur d’un attentat ou celle d’une
balle perdue sa décision de ne jamais visiter aucune unité sur le front ?
Peut-être, mais, quoi qu’il en soit, Staline ne voit pas l’utilité de ce genre
de visites. Il prolonge sur le plan militaire son comportement civil :
depuis le 13 février 1928, il n’a plus jamais effectué de déplacement
dans le pays (sauf pour partir en vacances à Sotchi). Il règne sur une montagne
bureaucratique de papiers, de rapports et de dénonciations, du haut de laquelle
il tranche, édicte des résolutions, exige, menace, sanctionne. La réalité
vivante ne l’intéresse pas. Seule compte pour lui sa transcription filtrée dans
le rapport. Si elle résiste à ses ordres, c’est le fait de saboteurs ; si
l’Armée rouge n’exécute pas avec succès ses décisions sans fondements, c’est
par incompétence de l’encadrement ou lâcheté des troupes. Le même mode de
pensée est à l’œuvre.
    Néanmoins, Joukov attribue à Staline « le mérite d’avoir
rapidement et correctement perçu les conseils des spécialistes militaires, il
les complétait, les développait et les transmettait sans tarder […] en
instructions, directives et ordres aux armées [1196]  ». Le
commissaire à la Marine, Kouznetsov, confirme qu’« au bout d’un an ou deux
[…] il noua des liens plus étroits avec les commandants de front. Il écouta de
plus en plus leur avis [1197]  ».
Le maréchal Koniev souligne que, à partir de 1943, les plans de presque toutes
les opérations furent établis sur le front, mais il ajoute : « Le
Grand Quartier général – c’est-à-dire Staline – se mêlait parfois
même de fixer le moment précis où nous ferions donner les tanks. Il n’en
sortait évidemment rien de bon [1198] . »
Le maréchal Bagramian fait un constat à peu près identique en insistant sur les
qualités démontrées par Staline après la bataille de Koursk. « Je ne peux
pas, dit-il, ne pas évoquer ses extraordinaires capacités d’organisateur, sa
mémoire étonnante, phénoménale même, sa capacité à saisir rapidement l’essence
de telle ou telle proposition, de les résumer, de les généraliser, et le plus
souvent d’en tirer des décisions correctes [1199] . »
Joukov insiste sur ses grands talents d’organisateur [1200] . Le maréchal
Vassilevski, chef de l’état-major à partir de mai 1942 et vice-commissaire
à la Défense, a rencontré Staline plus de deux cents fois pendant la guerre. Il
souligne lui aussi ses qualités d’organisateur, sa grande capacité de travail,
sa mémoire exceptionnelle. Pour lui aussi, Staline a changé à partir de l’automne 1942,
mais dans ses conversations avec Simonov, Vassilevski affirme : « Il
savait profondément pénétrer l’essence d’un problème et suggérer une décision
militaire […]. Mais il était avec moi et avec les autres grossier,
incroyablement, insupportablement grossier et injuste [1201] . » Et
Joukov souligne qu’« il se mettait en rage pour de simples détails non
réglés [1202] . ».
L’humiliation est son mode de commandement permanent.
    Le constat est à peu près général : Staline a, au bout
d’un an et demi, opéré une mutation qui lui permet de mieux maîtriser la
conduite des opérations, et qui se traduit par un changement de comportement :
il devient plus posé, plus tranquille, plus sûr de lui, moins irritable et
moins emporté, malgré de violents accès de

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