Staline
. » Staline
se rassied. Une déclaration commune de Roosevelt et Churchill confirme la date.
Au retour de Téhéran, Staline annonce à l’état-major que Roosevelt lui a
fermement promis de débarquer en France en 1944. « Je pense,
commente-t-il, qu’il tiendra parole. Mais s’il ne tient pas parole, nos propres
forces suffiront pour abattre l’Allemagne hitlérienne [1232] . » Cette
crainte poussera les Alliés à débarquer.
En novembre 1943, les Soviétiques ont téléguidé la
création sur le sol américain de deux organisations fantômes, la Ligue
Kosciuszko à Detroit, dirigée par un prêtre polonais catholique, Stanislas
Orlemanski, et le Congrès slave américain, animé par un émigré polonais,
citoyen américain, Oskar Lange, professeur d’économie à l’université de
Chicago. Peu après, Staline suggère à l’ambassadeur américain Averell Harriman,
étonné, que ces citoyens américains entrent dans un gouvernement polonais de
coalition. Il invite Orlemanski en URSS et, le 28 avril 1944, la Pravda le montre sur une photo, en première page, en compagnie de Staline et Molotov.
Orlemanski annonce à Radio Moscou que ses trois frères sont également prêtres
catholiques aux États-Unis. Reçu deux heures durant par les deux dirigeants
soviétiques, Orlemanski, à sa sortie, s’extasie : « Staline est l’ami
des Polonais […]. Staline ne vise nullement à intervenir dans les affaires
intérieures de la Pologne. » Il renchérit le lendemain : « L’avenir
montrera que Staline est un ami de l’Église catholique romaine. » Reçu une
seconde fois par les deux dirigeants, il s’enflamme : « Mon second
entretien avec Staline et Molotov a dépassé toutes mes espérances. » Il
les qualifie de « grands hommes » et, dans un compliment inattendu,
remercie de tout cœur « ces deux gentlemen [1233] ».
L’opération Orlemanski est un fiasco. Staline a-t-il été
joué dans cette affaire ? C’est improbable. Le NKVD savait bien qu’Orlemanski
ne représentait au mieux que ses trois frères et lui-même. Mais, habitué à
fabriquer à son gré complots imaginaires et organisations fantoches, Staline,
enfermé dans son bureau de Moscou, a mal apprécié la capacité politique de l’Église
catholique (dont le représentant à Moscou, Braun, est logé dans l’ambassade
américaine). Pour tenter de compenser l’effet désastreux produit par cette
affaire grotesque, Staline fait venir de Chicago Oskar Lange et se fait
photographier avec lui et Molotov, à nouveau, dans la Pravda. Ce futur
premier ambassadeur de la Pologne populaire à Washington ne représente que
lui-même. La manipulation est grossière.
Loin de ces manœuvres internationales, l’approche de la
défaite allemande emplit d’une douce euphorie les dirigeants du Comité
antifasciste juif. Au début de l’année 1944, la libération de la presqu’île
étant imminente, ils décident de formaliser leur idée d’une installation
massive des juifs soviétiques en Crimée et de la création d’une République
juive de Crimée soutenue financièrement par les juifs américains. Mikhoels et
Fefer en avaient évoqué l’idée lors de leur voyage aux États-Unis avec le
président du Jewish Russian War Relief et avec les dirigeants du Joint
Committee qui avait, dans les années 1920, financé des colonies agricoles
juives en Crimée. Fefer en avertit, à leur retour, la Sécurité d’État. Cette
idée, que le poète yiddish Peretz Markich considère, à juste titre, comme une
pure provocation, Mikhoels la présente en janvier 1944 à Molotov, qui
répond par un évasif : « Nous allons voir. »
Qui a suggéré à Mikhoels d’écrire à Staline ? On ne le
sait. Mais les deux autres signataires de la lettre envoyée le 15 février 1944
(Fefer et Epstein) pour lui demander l’installation massive de juifs en Crimée,
d’où il se prépare à déporter les Tatars, sont des agents du NKVD. Staline ne
répond pas à cette lettre et la fait classer aux archives, d’où elle ressortira
quatre ans plus tard. Staline n’est pas pressé. Le Comité antifasciste juif
peut encore lui servir. Mais ses jours sont déjà comptés. Staline ne peut
accepter que ce comité reçoive les plaintes de centaines de juifs, victimes de
l’appareil et de l’antisémitisme, les collationne et les transmette aux
autorités en demandant une réponse à leurs plaintes, et que cet organisme se
transforme ainsi
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