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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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Bureau
politique, qui ne discute pas de la politique étrangère mais des romans et
pièces de théâtre à distinguer. Les réunions obéissent à un rituel immuable.
Staline lit les propositions de l’Union des écrivains, dont il a invité les
représentants (Fadeiev, Simonov et quelques autres). Ces derniers prennent
parfois la parole. Les membres du Bureau politique, jamais, ou à peu près. Les
invités du Secrétariat, comme Chepilov, responsable de l’Agit-prop à partir de
1948, s’expriment parfois. Guidé par des soucis politiciens, enrobés ou non de
considérations moralisatrices, Staline a une vision strictement utilitariste de
l’œuvre d’art, assimilée à une arme. Mais il n’argumente jamais. Discute-t-on,
par exemple, des mérites de La Tem pête d’Ehrenbourg, toute la question
est de savoir si les Français, comme le prétend Chepilov, y sont mieux
représentés que les Russes. Staline tranche : « Il serait faux de
dire que dans le roman d’Ehrenbourg les Français sont montrés plus fortement
que les Russes [1372] . »
Pourquoi ? Nul ne le sait, mais Ehrenbourg est sauvé. D’un autre écrivain,
Staline déclare : « Oui, il écrit bien, c’est un homme capable. Mais
ce livre nous est-il utile aujourd’hui [1373]  ? »
En quoi ? Nul n’ose poser la question. Staline l’a dit : utilité ou
inutilité sont si évidentes que seuls les aveugles ne parviennent pas à les
distinguer l’une de l’autre.
    Parfois, l’absurde frôle le tragique. Staline vieillissant a
des trous de mémoire. Un jour, il propose d’attribuer le prix de dramaturgie
aux auteurs d’une pièce, dont l’un se trouve au Goulag. L’assistance frémit.
Que faire ? Se taire, c’est risquer de couvrir une décision qui, une fois
la vérité révélée, sera assimilée à un sabotage. Intervenir, c’est suggérer que
le Guide manque de vigilance. Cruel dilemme. Finalement, un téméraire
bafouille : « Il est en prison, camarade Staline. » Éberlué,
Staline demande : « Qui est en prison ? — L’un des deux
auteurs de la pièce, Tchevtcherikov, est en prison, camarade Staline [1374] . » Staline
feint de n’avoir rien entendu et change de sujet.
    Moins il réunit les organismes dirigeants et participe à
leurs réunions, et plus il veut contrôler jusqu’aux moindres détails la vie
quotidienne. Rien ne peut se décider sans lui, même la plus petite bagatelle.
Alexis Kouznetsov lui adresse des notes régulières sur lesquelles Staline
inscrit ses commentaires et décisions. Ainsi, en novembre 1947, l’équipe
de football de la Maison centrale de l’Armée rouge est battue en
Tchécoslovaquie. Staline, indigné, exige des explications. Alexis Kouznetsov
enquête, et, le 29 novembre, lui adresse un long rapport : il propose
de blâmer trois responsables et critique Vorochilov, qu’il sait en disgrâce,
pour sa confiance excessive et sa crédulité à l’égard des renseignements
fournis par les instances concernées sur l’état de préparation de l’équipe [1375] . Les sanctions
pleuvent. En juillet 1948, il fait devant lui un portrait accablant du
premier secrétaire du comité régional de Kourgansk, Charapov, qu’il accuse de
boire à la maison, au siège du comité régional, et pendant ses déplacements
officiels, ainsi que de coucher avec un grand nombre de femmes. Kouznetsov
propose de limoger ce débauché. Staline acquiesce. Charapov perd son poste [1376] .
    Il vit dans un cercle de plus en plus étroit et fermé :
il voit rarement sa fille Svetlana et son fils Vassili, qui ne sont autorisés à
lui rendre visite, à Kountsevo ou en vacances à Sotchi, que sur son invitation
personnelle, soit de plus en plus rarement. Ses relations avec eux sont
tendues : il a sévèrement rabroué Svetlana lors de son flirt avec le
réalisateur juif Alexis Kapler, plus âgé qu’elle d’une dizaine d’années et qu’il
a envoyé en camp pour imposer la rupture. Début novembre 1947, ses deux
enfants obtiennent l’autorisation d’aller le voir à Sotchi pour les fêtes de la
révolution, le lendemain de la parade à Moscou. L’année suivante, le 2 novembre 1948,
Svetlana sollicite la même grâce : « Mon petit papa, Vassia et moi
nous voulons de nouveau, comme l’année passée, venir te voir pour les fêtes.
Nous pouvons prendre l’avion le 8, parce que le 7, Vassia participe à la parade
aérienne sur la place Rouge. Nous te demandons très, très fort de nous

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