Staline
le
permettre pour trois ou quatre petits jours. Si c’est possible, que Vlassik
nous le fasse savoir par téléphone [1377] . »
Des huit petits-enfants que lui donnèrent Vassili, Svetlana et Jacob –
sans compter les trois que Vassili adopte ! – il n’en verra que trois
après la guerre : la fille de Jacob, Galia et les deux enfants de
Svetlana, mais aucun des enfants de Vassili.
Ce Vlassik, garde du corps de Staline à partir de 1931,
devenu général d’opérette, n’a commandé qu’à des domestiques et des gardes de
la Sûreté, jamais à des soldats. Son inculture crasse, sa grossièreté et sa
stupidité n’empêchent pas ce grand buveur de cognac arménien, après la guerre,
de dicter sa loi aux artistes, au nom des goûts du maître. Il accompagne en
vacances Staline dont il assure la garde et dont il est le partenaire de jeux ;
parfois, le triste Poskrebychev les rejoint ; personne n’a jamais vu
sourire ce fidèle secrétaire, souffre-douleur de Staline qui, de temps à autre,
pour se distraire ou passer ses colères, le prend par la peau du cou et lui
cogne la tête sur la table.
Il supporte mal la vie dissipée de Vassili qui passe de
femme en femme, épouse Galina Bourdonskaia, l’abandonne, épouse Katia
Timochenko, la fille du maréchal, l’abandonne à son tour après lui avoir laissé
deux enfants en mauvaise santé, et épouse ensuite la célèbre nageuse Kapitolina
Vassilieva. Commandant en chef des forces aériennes du district de Moscou, il a
une datcha sur la Moskowa, non loin de Zoubalovo où il reçoit une compagnie
nombreuse. Vassili mange peu, mais boit beaucoup et répand plaisanteries
grossières et jurons sur ses invités, prêts à tout pour obtenir ou conserver
ses privilèges.
Ce repli sur soi accru le pousse à liquider, sans états d’âme,
son encombrante belle-famille. La Sécurité d’État arrête la sœur aînée, l’indiscrète
auteur de souvenirs, Evguenia Alliluieva, le 10 décembre 1947, sa
fille Kyra le 6 avril, puis Anna le 29 janvier 1948. Anna est
accusée « de nourrir de la rancœur envers le chef du Parti et du
gouvernement soviétique depuis l’arrestation en 1938 de son mari Redens
[fusillé deux ans plus tard] et d’avoir, jusqu’au jour de son arrestation, fait
de la propagande antisoviétique ». Svetlana, stupéfaite, demande à son
père pourquoi on a arrêté ses tantes. « Elles ont trop bavardé. Elles
savaient trop de choses. Cela sert nos ennemis [1378] », lui
répond Staline.
Evguenia Alliluieva, ébranlée par une arrestation à laquelle
elle ne s’attendait pas, répond volontiers aux questions de l’enquêteur. Et ce
qu’elle raconte va avoir des conséquences incalculables. Elle a un vieil ami,
Goldstein, qui, dit-elle, l’interrogeait souvent sur Staline et sur sa fille.
Le NKVD arrête aussitôt ce Goldstein, convaincu de s’intéresser à la vie privée
du chef de l’État sur ordre « des services secrets étrangers ». Ainsi
commence à se nouer le sort tragique du Comité antifasciste juif. Il s’annonçait
déjà lorsque Staline avait marqué son opposition à la parution du Livre noir
sur les atrocités antisémites commises par les nazis en URSS, témoignages
rassemblés par Vassili Grossman et Ilya Ehrenbourg.
Staline va dès lors donner à l’ennemi caché, responsable de
toutes les difficultés, un nouveau visage, celui de l’adorateur servile de l’Occident
transmué en cosmopolite sans patrie aux traits juifs prononcés, puis en monstre
à trois visages : sioniste-titiste-trotskyste.
CHAPITRE XXXII
En 1948 comme en 1937 ?
Le 27 décembre 1947, Abakoumov, accompagné de son
vice-ministre, Ogoltsov, remet à Staline le procès-verbal des interrogatoires
de Goldstein. L’entrevue dure une heure et demie. Staline donne-t-il alors aux
deux hommes l’ordre précis de liquider Mikhoels, le président du Comité
antifasciste juif ? Le fait-il lorsqu’il reçoit Abakoumov avec ses deux
adjoints ?
On envoie Mikhoels à Minsk, flanqué d’un critique de théâtre
agent de la Sécurité, sous prétexte d’y examiner les candidatures à l’attribution
d’un prix Staline de dramaturgie. Un coup de téléphone invite bientôt les deux
hommes à un mariage juif. Ils seront abattus en chemin, aux environs de la
villa du chef de la Sécurité de Biélorussie, Tsanava. Un camion écrase leurs
cadavres, qui sont ensuite déposés dans une ruelle près de la gare de Minsk
pour déguiser
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