Staline
partisan [1384] . »
En lieu et place d’une grande fédération balkanique, il
propose, pour faire diversion, trois mini-fédérations orientales : une
polono-tchèque, une hungaro-roumaine et une albano-bulgaro-yougoslave. Il feint
même d’encourager l’union rapide des trois, mais dès que Tito et Dimitrov
auront le dos tourné, il encouragera l’Albanais Enver Hodja à résister à un tel
projet. Pour montrer sa souplesse d’esprit, il fait son autocritique sur la
Chine : « Moi aussi, je doutais que les Chinois puissent gagner et je
leur conseillais de s’entendre provisoirement avec Tchang Kai-shek. Ils ont
été, dans la forme, d’accord avec nous, et, dans les faits, ils ont continué
leur politique, à mobiliser les forces du peuple chinois […]. Il est apparu qu’ils
avaient raison et nous tort. » Puis, grand seigneur, il ajoute : « Peut-être
qu’ici aussi il s’avérera que nous avons tort [1385] . » Après
avoir littéralement assommé Dimitrov, il conseille aux Yougoslaves de prendre l’Albanie
intelligemment. Les Bulgares et les Yougoslaves s’engagent par écrit à se
concerter avec les dirigeants soviétiques avant toute initiative
internationale. Deux jours plus tard, Tito fait savoir qu’il envisage de venir
prochainement à Moscou discuter avec Staline des malentendus concernant l’Albanie.
Staline lui fait connaître sa satisfaction le surlendemain.
Ainsi rabroués et rassurés à la fois, Dimitrov et Tito
doivent être dressés l’un contre l’autre et mis au pas. L’urgence est d’autant
plus grande que le docile Rakosi lui-même demande, le 19 février, une
réunion du bureau du Cominform pour discuter de l’attitude à adopter vis-à-vis
de la fédération balkanique. Le 21 février, à Belgrade, Tito, Kardelj et
Djilas reçoivent les deux dirigeants du Parti communiste grec, les informent de
l’opinion de Staline sur leur absence d’avenir, mais leur affirment la
nécessité de poursuivre la guerre de partisans et leur promettent l’aide
yougoslave. Après ce pied de nez à Staline, le Bureau politique du PC
yougoslave franchit le Rubicon le 1 er mars : il s’affirme
réservé sur la fédération avec la seule Bulgarie, craignant que la soumission
étroite de ses dirigeants au Kremlin ne les transforme en instruments antiyougoslaves.
Le ministre des Finances Jouyovitch, membre du Bureau politique, fait à l’ambassadeur
soviétique un compte rendu de la réunion, immédiatement transmis à Moscou. Une
semaine après, les dirigeants yougoslaves refusent de fournir à la mission
commerciale soviétique les données chif frées qu’elle réclame sur l’état de
leur économie. Lavrentiev en informe Moscou.
Staline le convoque en urgence et le reçoit le 12 mars,
en présence des autres membres du Bureau politique. La réunion s’achève sur la
décision d’écraser les prétentions yougoslaves à l’autonomie. Le 18 mars,
la foudre s’abat sur Tito, nullement désireux de rompre avec Staline, et sur
ses camarades. Un long télégramme de Molotov lui dénonce en effet une douzaine
de péchés yougoslaves, dont « la prétention à un rôle dirigeant dans les
Balkans et dans les pays danubiens », et l’informe du retrait de tous les
conseillers économiques et militaires soviétiques [1386] . Staline s’attend
à la capitulation. Mais rien ne vient. Le 27 mars, jour anniversaire de la
révolte du 27 mars 1941 contre le gouvernement pro-nazi de Belgrade,
Staline adresse à la direction du PC yougoslave une lettre secrète
comminatoire, signée de Molotov et de lui, développant le contenu du télégramme
précédent. Il lui reproche de proférer « des accusations antisoviétiques
généralement enveloppées dans une phraséologie de gauche », de déclarer,
comme jadis Trotsky, que « le PC russe dégénère » et sombre dans le
chauvinisme russe, de bafouer la démocratie à l’intérieur du Parti communiste
yougoslave, soumis au contrôle de la Sécurité d’État. Enfin, la lettre affirme
que les dirigeants yougoslaves sont des « mencheviks » et le
vice-ministre des Affaires étrangères yougoslaves un espion britannique [1387] !
Cette décision a des conséquences littéraires inattendues.
Quatre jours plus tard, la commission pour l’attribution des prix Staline se
réunit. Pour le prix de poésie, l’Union des écrivains a placé en numéro un de
ses propositions une œuvre du poète Nicolas Tikhonov au titre
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