Staline
militaire.
En colère, il explique aux présents : le gouvernement dépense des
milliards de roubles pour une flotte de guerre inexistante. Le chef de l’état-major
de la marine et les commandants de la flotte se couvrent la tête de
cendres : ils sont responsables. Staline convoque une seconde réunion le 16 juillet,
où l’autoflagellation des commandants de flotte reprend de plus belle. Staline
décide alors de construire une flotte de sous-marins atomiques. Il recommande à
Mao la fermeté en Corée. Le 19 novembre 1951, il lui conseille d’« appliquer
une tactique souple dans les négociations », mais de « continuer à
suivre une ligne de fermeté, sans manifester de hâte et sans montrer le moindre
intérêt dans une conclusion rapide des négociations [1456] ». Dix
mois plus tard, feignant d’oublier que l’armée américaine arrive à la frontière
de la Chine, il affirme à Chou En-laï : « La guerre de Corée a montré
la faiblesse de l’Amérique », alors que les Américains sont à dix
kilomètres de la frontière chinoise ! « Les Américains n’arrivent pas
à venir à bout de la petite Corée depuis deux ans déjà. Et on prétend qu’ils
sont forts ? On ne gagne pas la guerre avec la bombe atomique [1457] », surtout
si on ne l’emploie pas…
Staline fait payer à Mao le prix de son indépendance :
il fixe un abcès au flanc de la Chine populaire et dévie sur elle la pression
militaire américaine loin du champ de l’Europe. Il fait tout pour prolonger la
guerre, en veillant à ce que l’URSS ne s’y trouve pas engagée.
La guerre de Corée lui sert aussi de support de propagande
pacifiste. C’est ainsi qu’il lance une campagne internationale hystérique
contre la prétendue guerre bactériologique que mèneraient les États-Unis en
Corée, dénonçant comme agents américains les socialistes qui refusent de s’y
associer. Conséquence de ce conflit, qui fit plus de 2 millions de morts,
le budget militaire américain, retombé à environ 10 milliards de dollars
en 1948 (huit fois moins qu’en 1945) au prix d’une sévère hausse du chômage et
d’une crise économique menaçante, remonte à 50 milliards et offre à la
sidérurgie américaine un second souffle, que la poursuite de la guerre froide
va entretenir.
Staline est bientôt dans l’impasse. Le 17 mai 1951,
un correspondant de la Pravda lui demande : « Considérez-vous
une nouvelle guerre mondiale comme inévitable ? » Il répond : « Non,
du moins à l’heure actuelle, on ne peut pas la considérer comme inévitable. »
Pourquoi ? Que faire pour qu’elle ne le soit pas ? Mystère. Un an
plus tard, il répond, toujours aussi laconique, à « un groupe »
indéfini, peut-être imaginaire, de rédacteurs en chefs de journaux américains
qui lui demandent : « Une troisième guerre mondiale est-elle plus
proche à l’heure actuelle qu’il y a deux ou trois ans ? — Non, elle
ne l’est pas. » Pourquoi ? Il l’a, dit, cela suffit. Autre
question : « Une rencontre des chefs des grandes puissances
serait-elle utile ? » Il rétorque, aussi énigmatique : « Il
serait possible qu’elle fût utile. » Enfin, le 21 décembre 1952,
au journaliste américain James Reston qui lui demande s’il est prêt à participer
à une initiative pour mettre fin à la guerre en Corée, il répond oui, sans
préciser la nature de l’initiative en question, la forme qu’elle pourrait
prendre, etc. Ce laconisme dissimule mal son impuissance : il ne sait que
faire ni que dire pour sortir d’une double impasse sur les plans international
et intérieur.
En effet, le lancement de projets qu’il ne mène pas à leur
terme témoigne bien d’une lassitude grandissante dans tous les domaines.
Ainsi, à la fin de 1950, il tente de renforcer et d’élargir
les fonctions du Cominform en donnant plus de pouvoirs à son secrétariat. Une
de ses réunions, prévue pour le 10 octobre 1950 à Bucarest, est d’abord
repoussée à la seconde moitié de décembre. Il fait décider par le Bureau
politique, le 28 octobre, de le convoquer et de préparer une nouvelle
conférence du Cominform. Il propose de donner un Secrétaire général à l’organisation
internationale et tente de convaincre Togliatti d’accepter ce poste, pâle
reflet de celui qu’occupait jadis Dimitrov au Comintern.
Togliatti vient bientôt se faire soigner en URSS, au début
de décembre, au sanatorium du
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