Staline
Comité central, à Barvikha. Staline lui
téléphone, le 24 décembre 1950, pour le lui proposer. Togliatti
résiste. Staline l’invite à sa datcha, le soir du Jour de l’an, et lui
renouvelle sa proposition. Togliatti rechigne toujours à accepter ce poste
honorifique qui, en pleine campagne de la démocratie chrétienne italienne
contre les « agents de Moscou », le grillerait dans son pays [1458] . Staline
propose de réunir le Secrétariat du Cominform, pour trancher, le 25 janvier 1951.
Togliatti arguë de son état de santé pour en demander le report et repartir en
Italie. Le 18 janvier, le Bureau politique accepte un report de deux à
trois mois. Togliatti fait voter par son Bureau politique une résolution
soulignant les dégâts que provoquerait son absence des batailles électorales en
cours dans le pays. Ainsi, Togliatti dit non. Au sommet apparent de sa
puissance, Staline se heurte à la résistance d’un dignitaire communiste étranger,
ce qui aurait été impensable en 1936 ou en 1947. La mécanique stalinienne se
rouille.
Staline envisage un instant de convoquer une quatrième
réunion du Cominform à Bucarest, au printemps 1951. Les services de
Molotov élaborent plusieurs projets d’ordre du jour ; l’un d’eux suggère
que, après avoir vilipendé les partis communistes français et italien à la
première réunion, les Yougoslaves à la seconde et la troisième, la prochaine
devrait stigmatiser « certains partis communistes dont l’affaiblissement
de l’attention portée au travail organisationnel et idéologique a abouti à la
pénétration d’éléments ennemis dans les partis communistes ». Qui ?
Sans doute, à en juger par la suite, le parti tchécoslovaque [1459] . Un Cominform
présidé par un communiste italien aurait facilité l’excommunication de ses
dirigeants. Mais cette quatrième réunion ne se tiendra jamais : celle de novembre 1950
est la dernière. Le Secrétariat ne se réunira plus. Staline laisse mourir un
organe d’excommunication devenu inopérant. Désormais, il s’y prendra
autrement : c’est alors, en effet, qu’il concocte le procès truqué le plus
retentissant d’après-guerre. Il se tiendra en Tchécoslovaquie.
Toujours sur le plan international, le 8 janvier 1951,
Staline a convoqué à Moscou tous les secrétaires des PC d’Europe de l’Est, les
ministres de la Défense des démocraties populaires, avec le chef de l’état-major
général de l’URSS, le général Chtemenko et le maréchal Vassilevski. On a de
cette réunion deux comptes rendus, l’un à sensation, émanant du ministre de la
Défense tchèque, Cepicka, cité en 1979 par Karel Kaplan [1460] , l’autre rédigé
dans des Mémoires non destinés à la publication par Mathias Rakosi, le
secrétaire du PC hongrois. Selon Kaplan, Staline le va-t-en guerre annonce à
ses interlocuteurs la préparation d’un plan d’invasion prochaine de l’Europe
auquel chaque pays doit participer. Selon Rakosi, l’objectif est beaucoup plus
modeste. Le maréchal Chtemenko insiste sur la nécessité pour les démocraties
populaires de construire des armées fortes, puis Staline explique : « À
la fin de 1953, l’OTAN aura achevé ses préparatifs et, pour l’équilibrer, il
est indispensable de déployer convenablement les armées des pays socialistes [1461] . » Il
détaille ce que doit être l’armée de chacun de ces pays à la fin de 1953. L’énormité
des dépenses induites fait frémir les personnes présentes qui toutes font des
objections. Staline leur promet d’en tenir compte. Mais Chtemenko maintient ses
exigences. Staline revient sur ses concessions promises. La comédie a été
réglée à l’avance. Staline joue les conciliateurs face aux durs de l’état-major.
Les décisions déséquilibrent le budget des « démocraties populaires »
pour répondre à la politique dite de « refoulement » des États-Unis
et de l’OTAN. Elles militarisent aussi leur vie politique intérieure en liaison
avec les procès qui déferlent sur ces pays depuis 1949.
Le 31 mars 1952, un décret annonce une nouvelle
baisse des prix de 10 à 20 % selon les produits, à compter du 1 er avril.
Le 4 avril, Ignatiev, le ministre de la Sécurité d’État, envoie à Staline
un rapport sur les réactions enregistrées à la suite de cette mesure, soit par
la photocopie de lettres de soldats à leurs parents ou amis, soit par des
conversations notées par des agents de
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