Staline
médecins fait en effet
planer une menace sur le clan de ses ennemis, Malenkov et Beria.
Au lendemain du Comité central, Staline exige que Molotov
remette à son secrétariat personnel les originaux du pacte Molotov-Ribbentrop,
y compris les protocoles secrets. Selon le policier Soudoplatov, il envisageait
d’accuser Molotov de sympathies pro-germaniques et de servilité devant Hitler.
Réunissant le présidium aussitôt après ce Comité central, il ne lui soumet
pourtant que des questions routinières d’organisation : « Sur la
création de commissions permanentes du Bureau politique » et « Sur la
répartition des responsabilités dans le Bureau du présidium ».
Trois jours plus tard, il convoque au Kremlin le présidium
tout entier, les secrétaires du Comité central, et quelques responsables de
sections idéologiques. Il est mécontent de l’organisation de la propagande
soviétique. La Pravda est particulièrement médiocre, dit-il, et son
directeur, Ilitchev, faiblard. Il demande aux présents de faire des
propositions pour le remplacer. Personne ne répond. Nul ne sait, en effet,
comment Staline réagirait aux propositions. Mieux vaut se taire. Staline
poursuit : la gestion de l’industrie est mauvaise, celle de l’agriculture
ne vaut pas mieux. Les cadres existants sont ignares. « Ils ne savent que
signer des papiers et par là ruinent l’affaire [1490] . » Or,
dit-il, il y a beaucoup de jeunes capables, qu’il faut pousser. Il ne va pas
jusqu’à affirmer qu’il faut les installer à la place des anciens comme en
1937-1938, mais suggère que si les vieux cadres dirigeants sont mauvais, il
faut les remplacer.
Il forme une commission idéologique constituée de Chepilov,
secrétaire, Tchesnokov, Roumiantsev, loudine et Souslov : trois nouveaux
et deux anciens. Chepilov est installé au quatrième étage de l’immeuble du
Comité central, Staraia Plochad, dans le bureau de Staline, que ce dernier n’occupe
plus depuis de longues années. Un mois plus tard, Souslov informe Chepilov qu’il
est nommé rédacteur en chef de la Pravda. Flatté mais inquiet, Chepilov
se précipite chez Staline et tente de se dérober en prétextant un travail
entamé depuis plus d’un an sur le manuel d’économie, commande de Staline.
Staline lui répond : Vous cumulerez.
Au lendemain du congrès, la crise affleure. Malenkov y a
annoncé que « le problème alimentaire [était] définitivement résolu en
URSS ». Cette déclaration publique suscite une avalanche de lettres au
Comité central dénonçant le manque de pain dans la région de leurs auteurs. Une
paysanne de la province de Kourgan se plaint à lui : « Comment élever
mes enfants ? Comment les nourrir ? Je ne sais pas […]. On ne nous
paie pas les jours de travail. […] C’est nous qui produisons le pain et nous n’en
avons pas ! Il n’y a pas de pain pour les enfants. » Un autre paysan,
de Tchernigov, lui écrit : « On n’a pas de pain. Cela fait deux mois
qu’on n’en livre pas au bazar. » Une paysanne de Briansk se plaint du
manque de pain, de beurre, de saucisson, etc. Staline convoque le Secrétariat.
Il hurle : « Limogez le secrétariat du comité régional du
Parti ! » Envoyé en mission dans la région, Aristov rapporte que l’Ukraine
est un grenier à blé, mais que les Ukrainiens n’ont même pas de pain blanc !
Staline tranche : « Qu’on leur donne du pain blanc [1491] . » Et il
fait blâmer Mikoian par le bureau du Conseil des ministres.
Le 3 novembre 1952, Rioumine remet à Staline un
projet d’acte d’accusation contre Abakoumov. Il lui reproche d’avoir voulu
accéder au pouvoir suprême, constitué au ministère de la Sécurité d’État un
groupe de nationalistes juifs, fabriqué des dossiers compromettants sur
certains dirigeants, tenté de rendre la Sécurité indépendante du Parti et
saboté le contre-espionnage ! Le 11 novembre, une première vague d’arrestations
massives jette une douzaine de médecins en prison. Mais Staline, mécontent des
pitoyables aveux arrachés par Rioumine, le démet de son poste de vice-ministre
de la Sécurité, le 14 novembre. Rioumine tente de se justifier en s’excusant
de son excès de libéralisme au cours de l’instruction, et jure que, depuis
lors, « après les indications adéquates, [il a] corrigé [sa] faute ».
C’est alors qu’à Prague, le 22 novembre 1952, s’ouvre
le procès de quatorze dirigeants du Parti
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