Staline
communiste tchécoslovaque, parmi
lesquels son Secrétaire général, Rudolf Slansky. Onze accusés sur quatorze sont
juifs, qualité fortement soulignée dans l’acte d’accusation. L’enquêteur Smola
hurle à Artur London : « Tout ce qu’Hitler a fait n’était pas bon,
mais il a détruit les juifs et cela est une bonne chose. Ce qu’il n’a pas
terminé, nous le finissons [1492] . »
Plusieurs accusés ont été liés aux Brigades internationales. Radio Prague
présente Slansky comme un « juif de langue tchèque, haut de taille et
rouquin, de son vrai nom Salzmann », et André Simone comme un « trotskyste
juif, de son vrai nom Otto Katz ». Slansky est accusé d’avoir voulu tuer
le président de l’État tchécoslovaque, Gottwald, en soudoyant son médecin, le
docteur Haskovec, qui, à défaut d’être juif, est franc-maçon… Le journal du
Cominform, qui sort le 25 novembre, en plein procès, dénonce « les
traîtres […] trotskystes-titistes, sionistes, nationalistes bourgeois au
service des impérialistes américains ». Onze accusés seront condamnés à
mort, et trois (dont Artur London, beau-frère de Raymond Guyot, membre du
Bureau politique du PCF), à la réclusion perpétuelle.
Les juifs doivent jouer, en 1952, le rôle dévolu en 1937 aux
trotskystes, mais l’entreprise est plus délicate : Staline avait, par la
calomnie, l’intimidation et l’assassinat, isolé les trotskystes et Trotsky. La
chasse aux juifs, opération difficile après la solution finale nazie, s’avère
trop complexe pour le grossier Rioumine. Staline le remplace donc, le 15, par
un homme de main de Beria, qui sera fusillé plus tard avec lui en décembre 1953,
Goglidzé, ancien chef du NKVD de Géorgie, chargé de boucler le dossier des « médecins
assassins ». Sur les instructions de Staline, il exige que ses subordonnés
se comportent en « véritables enquêteurs révolutionnaires », en
langage clair, qu’ils frappent à tour de bras. Il apporte chaque jour les
procès-verbaux des interrogatoires à Staline, qui oriente lui-même le cours de
l’instruction.
Ainsi, le 18 novembre, il garantit la vie sauve à son
ancien médecin soignant Vinogradov, s’il « reconnaît franchement tous ses
crimes et s’il démasque complètement tous ses complices ». La note qu’il
lui fait remettre avec ce message se conclut sur des lignes étonnantes : « Le
monde entier sait que notre chef a toujours tenu ses promesses. »
Vinogradov sait justement qu’il n’en est rien. Expert du troisième procès de
Moscou (1938), au cours duquel trois médecins avaient été condamnés, il y a
appris que, pour faire craquer un accusé rétif, Staline promettait souvent la
vie sauve à l’accusé, sa femme et ses enfants, puis les liquidait tous. Aussi
refuse-t-il : « Je n’ai rien à dire. Je n’ai pas servi les étrangers,
personne ne m’a manipulé et je n’ai entraîné moi-même personne à commettre des
crimes [1493] . »
Pour le faire céder, il faut le confronter avec le docteur Maiorov, qui, brisé,
le charge, puis le rouer de coups trois jours durant.
Staline fait le vide autour de lui. Le 15 novembre, il
limoge son secrétaire personnel, Poskrebychev, dont il vient de faire fusiller
la femme, juive, lointaine parente de Trotsky, arrêtée trois ans plus tôt, sous
l’accusation d’espionnage ; Poskrebychev ayant manqué de vigilance, voire
dissimulé les activités de son épouse, est menacé. Staline fait aussi arrêter
le chef de ses gardes du corps, le général Vlassik, le 16 décembre. Beria
et ses adjoints, qui l’interrogent, l’accusent d’avoir « favorisé les
médecins empoisonneurs », dilapidé les deniers publics pour ses appétits
personnels et fréquenté un certain Stenberg, espion douteux mais juif
réel ; ils exigent de lui des aveux compromettants sur Poskrebychev.
Goglidzé fait avouer aux médecins Vovsi et Kogan le projet d’assassiner
Staline, Malenkov et Beria en juillet 1952.
Le 1 er décembre 1952, Staline reçoit
dans sa datcha son quatuor habituel (Beria, Khrouchtchev, Malenkov et
Boulganine) avec Malychev, qui note la reprise du thème de 1937 : « Plus
nous obtenons de succès et plus nos ennemis essaient de saboter. Nos gens l’ont
oublié, sous l’influence de nos grands succès, et chez nous, maintenant, c’est
le règne de la placidité, de l’insouciance, de l’infatuation. » Il passe
ensuite au complot des médecins :
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