Staline
de sa cellule
pour le nommer au poste-clé de chef de la Direction de la garde du ministère de
l’Intérieur. Le 9 janvier 1953, Staline convoque une réunion du
Bureau du présidium (huit membres en plus de lui-même) élargi aux six
secrétaires du Comité central, au président de la commission de Contrôle du
Parti, Chkiriatov, au rédacteur en chef de la Pravda, Chepilov, et aux
deux ministres adjoints de la Sécurité, Ogoltsov et Goglidzé. Leur supérieur,
Ignatiev, que Staline juge trop mou dans l’affaire, est écarté de cette réunion
d’état-major de la campagne imminente. Mais Staline, finalement, n’y assiste
pas et se fait porter absent sur le procès-verbal. La réunion adopte une
résolution intitulée « Approuver le communiqué de presse sur l’arrestation
d’un groupe de médecins saboteurs et le faire paraître en même temps que l’article
de la Pravda sur cette question ». Le texte est signé « Le
Bureau du présidium du Comité central du PCUS » et non, comme à l’ordinaire :
« Le secrétaire du CC : J. Staline [1498] ». Sous l’apparence
fallacieuse de la direction collective chère à la propagande officielle,
faut-il voir là le désir de ne pas laisser de traces, ou le premier indice d’une
incertitude sur l’effet de cette campagne ?
Le 13 janvier 1953, la Pravda publie un
communiqué de presse, dont la place discrète en page quatre escamote la
gravité. Le communiqué annonce l’« arrestation d’un groupe de médecins
saboteurs […] qui cherchaient, en leur administrant des traitements nocifs, à
abréger la vie des hauts responsables de l’Union soviétique ». Ils sont
accusés d’avoir jadis assassiné Chtcherbakov et Jdanov, et de préparer l’assassinat
de chefs militaires soviétiques, dont cinq sont nommés (Vassilevski, Govorov,
Koniev, Chtemenko et Levtchenko), plus quelques autres. Le communiqué cite neuf
noms de médecins sur lesquels six sont juifs (Vovsi, les deux frères Kogan,
Feldman, Etinguer, Grinstein) et trois russes (Vinogradov, Iegorov, Maiorov).
Il dénonce en outre deux autres juifs : Mikhoels, assassiné cinq ans plus
tôt jour pour jour, et le docteur Chimieliovitch, dirigeant du Comité
antifasciste juif, fusillé le 12 août 1952. Le nom de Staline ne
figure pas dans le communiqué. Il ne veut plus être une cible, même imaginaire.
Le communiqué distingue, parmi ces neuf médecins assassins,
un groupe de cinq (Vovsi, Kogan aîné, Feldman, Grinstein, Etinguer) « liés
à l’organisation nationaliste juive bourgeoise internationale Joint Committee,
créée par les services d’espionnage américains », et un groupe de trois
(Vinogradov, Kogan cadet, Iegorov), agents des services de renseignements
britanniques et sionistes. L’auteur, las ou pressé, a donc oublié un médecin,
Maiorov, dont on ne sait à quel service il s’était vendu. Le communiqué se
conclut par une phrase menaçante mais vague : « L’enquête devrait se
conclure prochainement » et le procès s’ouvrir bientôt.
Le soir du 13 janvier, Staline reçoit pendant cinq
minutes en tout et pour tout le quatuor Beria, Boulganine, Malenkov et Khrouchtchev.
Ce dernier n’a rien dit de cette brève réunion d’état-major où Staline n’a
guère pu que leur donner des indications générales. Plus étrange encore, une
fois l’affaire lancée, Staline ne reçoit plus aucun des responsables des
interrogatoires chargés de préparer le procès annoncé pour bientôt. Or, l’affaire
n’est pas bouclée, de nouvelles arrestations entraînent de nouveaux
interrogatoires, mais le Chef ne donne plus de directives. Une lassitude
insurmontable, liée sans doute à un sentiment d’impuissance, semble alors s’emparer
de lui. Il continue à laisser s’entasser sans les ouvrir, sur la table de sa
salle à manger, les paquets de courrier qui lui sont destinés ou qui sont
adressés au Bureau politique ou au Secrétariat, et qu’on lui apporte chaque jour
du Kremlin. Beria et Khrouchtchev les remarquent un jour en passant devant la
porte ouverte, et Beria ricane en direction de son voisin : « Ton
courrier traîne sûrement là aussi [1499] . »
Après la mort de Staline, la garde renverra ces lettres à leurs expéditeurs,
sans réponse. La paralysie politique du Guide entraîne celle de l’État.
Alors que la nouvelle campagne, si délicate, bat son plein,
il réunit de plus en plus rarement les hauts responsables. Le
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