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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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évoque dans ses souvenirs ses « efforts pour empêcher la
publication dans la presse d’une lettre collective. Par bonheur, l’idée,
véritablement folle, ne fut pas traduite dans les faits [1504]  ». La
proposition de publier un journal yiddish anti-impérialiste ne saurait être
qualifiée ni d’« infâme » ni de « folle ». L’idée « véritablement
folle », à savoir la construction de ghettos en Extrême-Orient, renvoie
donc à un autre document, resté dissimulé ou soigneusement détruit. L’écrivain
Benjamin Kaverine, à qui le texte fut soumis, y vit la confirmation des bruits
sur les baraquements construits en Extrême-Orient pour y installer de futurs
ghettos.
    Selon Poliakov, adjoint de Mikhail Souslov, Staline avait
créé une commission chargée de préparer cette déportation, placée sous sa
direction personnelle et sous la présidence de Souslov. Les baraquements
avaient déjà été construits au Birobidjan, explique-t-il, pour accueillir tous
les juifs soviétiques en deux étapes. « Staline avait fixé des délais très
contraignants. Le procès contre les médecins devait se dérouler du 5 au 7 mars
et leur exécution s’effectuer les 11 et 12 mars [1505] . » Ce récit suscite bien des doutes. La
Sécurité n’avait pas les moyens de construire des baraquements pour accueillir
au Birobidjan les trois millions de juifs soviétiques, un chiffre supérieur à
la population du Goulag tout entier, à moins d’en faire périr la majeure partie
en cours de route. Un projet de déportation ne pouvait concerner qu’une
fraction des juifs soviétiques à seule fin de terroriser l’ensemble.
    Guennadi Kostyrtchenko, l’auteur de Prisonniers du pharaon
rouge, nie carrément l’authenticité de ce projet, qu’il réduit à « des
bruits qui ont circulé et circulent encore dans les milieux juifs » ( !)
et avance trois arguments à l’appui de sa thèse : « L’existence de
tels plans est niée par des personnalités très au fait des secrets de la
cuisine politique stalinienne comme Soudoplatov et Kaganovitch [1506] . » Mais le
premier, responsable du secteur des assassinats politiques du NKVD, est aussi
peu digne de foi que le second, juif honteux, fidèle compagnon, complice et
chantre de Staline jusqu’à son dernier souffle. Kostyrtchenko avance comme
deuxième preuve le fait que Krouchtchev, « le critique acharné des crimes
staliniens, ne le mentionne pas non plus [ce projet] dans ses Mémoires ».
Mais Khrouchtchev ne dit pas tout, loin de là ! Il limite par exemple à
cinq la quinzaine de peuples déportés par Staline, dont il maintiendra lui-même
certains en déportation. Cela invaliderait-il la déportation de ceux dont il ne
dit mot ? Kostyrtchenko avance un ultime argument : « Le plus
important est qu’il n’y a pas eu de directive officielle sanctionnant la
déportation [1507] . » C’est l’argument traditionnel des « négationnistes » :
puisqu’il n’y a pas de document officiel sur les chambres à gaz et la solution
finale, elles n’ont pas existé ; aucune directive officielle de Staline n’ordonne
le meurtre de Trotsky et de bien d’autres. Il les a pourtant bien fait tuer.
    Sans doute Staline ne voulait-il (et ne pouvait-il) pas
déporter tous les juifs au Birobidjan, dans l’Altaï, au Kazakhstan et en
Ouzbékistan. L’opération était politiquement bien plus délicate que la
déportation d’Allemands soviétiques en pleine guerre avec l’Allemagne, ou de
peuples du Caucase, dont le sort importait peu aux gouvernements alliés. Mais
il aurait pu en déporter une partie vers l’est, après le procès prévu des « médecins
assassins ». Ainsi, les habitants du quartier juif de Tiflis avaient été
prévenus en février 1953 de leur prochain transfert au Kazakhstan. Staline aurait-il finalement mis sa décision à
exécution ? Nul ne saurait le dire, bien sûr. Le ministre de la Défense de
l’époque, Boulganine, a affirmé en 1970 avoir reçu de Staline, en février 1953,
l’ordre de préparer 800 convois pour déporter les juifs en Sibérie, soit
un transfert d’un million d’hommes. Or, les trois semaines suivantes, Staline,
en dehors des visites qu’il reçoit le 17 février, semble s’effacer. La
campagne de presse sur les médecins assassins patine faute de directives
claires. Tchesnokov, enfermé, paraît-il, dans une villa du Comité central,
rédige alors, sur l’ordre de Staline, une

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