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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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Magadan, se
rappelle les crises aiguës d’hypertension et les infarctus que sa disparition
multiplie parmi les chefs du Goulag…
    Le 6 mars, Ignatiev adresse à Beria, Malenkov,
Boulganine et Khrouchtchev une note sur l’état de l’opinion, à partir de
trente-deux réflexions relevées juste avant la mort du Guide, les 4 et 5 avril
(et dont les deux tiers émanent de militaires). Elles disent à la fois l’inquiétude
et l’admiration pour le moribond, témoignent du déchaînement de l’antisémitisme
et d’un réel mécontentement. Une ouvrière se demande si les juifs n’ont pas
attenté à sa santé, une autre affirme : « Ces médecins assassins sont
responsables de la maladie du camarade Staline. Ce sont eux qui, visiblement,
ont donné au camarade Staline des médicaments empoisonnés avec effet à
retardement. » Un garde-frontière de l’aéroport de Moscou partage cet
avis : « Les ignobles médecins assassins » l’ont aidé à mourir.
Un employé du Kremlin ajoute : « Si cela se confirme, le peuple sera
encore plus indigné contre les juifs. » Un serrurier se demande si
Staline, dont « les juifs sont devenus les ennemis », n’a pas été,
lui aussi, empoisonné, et dénonce à la fois les juifs et le manque de
liberté : « La vie maintenant est pénible, on persécute tout le monde,
il est impossible de dire la vérité sinon on te jette en prison et tu y restes.
[…] Si Staline ne se rétablit pas, c’est sûr que les travailleurs feront un
pogrome des boutiques et des magasins juifs. ». D’autres craignent pour l’avenir,
pensent qu’il faudra faire des concessions en politique extérieure, craignent
la lutte pour le pouvoir provoquée par sa maladie, voire la dislocation de la
Russie s’il meurt.
    Les remarques hostiles sont plus rares, mais, dans ce climat
de peur, elles sont particulièrement significatives. Un artilleur
déclare : « Il ne l’a pas volé », un autre renchérit : « C’est
une bonne chose. » Ignatiev fait arrêter les deux hommes. Un
lieutenant-colonel, inspecteur d’une direction politique, se demande si cela
vaut la peine de le soigner. Un soldat d’une unité antichar exprime plus
nettement l’espoir d’un changement : « Staline ne tiendra pas
longtemps, et cela vaut mieux. Vous verrez comme tout changera d’un coup [1515] . »
    On transporte le cadavre embaumé pour l’exposer dans la
salle des Colonnes, là où s’étaient déroulés les trois procès de Moscou. On
installe le cercueil sur un socle ; des couronnes de fleurs dissimulent
les fameuses bottines usagées. Au chevet, une faible lumière de profil laisse
dans l’ombre le visage ravagé de petite vérole et de petites taches pigmentées.
Khrouchtchev vient jeter un coup d’œil. La fête peut commencer. Les membres du
gouvernement, du présidium, viennent faire leurs adieux au défunt, puis, à 16 heures,
les portes sont ouvertes au public, massé par centaines de milliers dans les
rues avoisinantes.
    Le secrétaire de l’Union des écrivains, Alexis Sourkov, se
renseigne, ce 6 mars, auprès du Secrétariat du Comité central, sur le
comportement à adopter lors des funérailles de Staline : « Pleurez,
mais pas trop [1516]  »,
lui conseille-t-on. La publication des Œuvres complètes de Staline est
immédiatement suspendue sine die. Beria licencie tout le personnel de la
villa constitué d’agents de la Sécurité, dont il prend la direction, fait
déménager en hâte tout le mobilier entassé dans des entrepôts de la Sécurité.
Trois mois plus tard, une fois Beria renversé, les autres héritiers, qui
avaient eu l’idée, vite abandonnée, d’ouvrir à Kountsevo un musée Staline, le
font remettre en place.
    Les funérailles de Staline se déroulent le 9 mars. La
foule inquiète, massée tout autour du palais des Syndicats, où est exposée sa
dépouille, déborde le service d’ordre : des centaines de Moscovites
périssent broyés contre les camions, étouffés ou piétinés par leurs voisins
affolés. Nicolas II avait commencé son règne par les morts de la Khodynka
le jour de son couronnement, Staline achève le sien de la même façon.
    Y eut-il complot contre Staline ? C’est la thèse de son
ancien garde du corps, Rybine, dont les capacités d’analyse sont inversement
proportionnelles à son adoration pour son ancien maître. C’est aussi celle du
feuilletoniste Avtorkhanov, de l’historien russe Antonov-Ovseenko. Selon

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