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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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pas à la
phalange des agitateurs bolcheviks qui, chaque jour, dans les usines, sur les
places, dans les casernes, dans les meetings, affrontent, devant des masses
avides de comprendre, les agitateurs socialistes-révolutionnaires et mencheviks.
La confrontation est souvent tendue, voire brutale ; dans son usine de
canons la voix de l’ouvrière Arbouzova est couverte par des
vociférations : « Vous travaillez pour les Allemands ! », « Lénine
est un espion allemand ! », « Lénine est rentré en Russie dans
un wagon d’or allemand [230]  ! »
Staline ignore ces affrontements verbaux. De mars à octobre 1917, il ne
prendra la parole que trois fois en public, le 18 avril, le 14 mai et
le 17 août, à l’occasion d’une conférence faite à des soldats. C’est tout.
Il a battu, pendant ces mois d’ébullition révolutionnaire, le record d’abstention
publique parmi les dirigeants du parti bolchevik – qui a pourtant grand
besoin de tribuns populaires et d’agitateurs. Car Staline n’aime pas ces vastes
auditoires attentifs, tendus, hésitants, fluctuants, mobiles, enthousiastes ou
hostiles d’hommes et de femmes qui s’éveillent à la politique, applaudissent,
sifflent, questionnent, interpellent. Il est déjà l’ombre portée d’un appareil
alors pourtant encore virtuel.
    Sa discrétion est si étonnante qu’en 1930, alors que le
culte de Staline prend son essor, son vieux camarade Pestkovski écrit : « Les
larges masses de Petrograd ne connaissaient guère Staline alors. Il ne
recherchait pas la popularité. Dénué de talent oratoire, il fuyait les meetings
publics. Mais aucune conférence du Parti, aucune réunion d’organisation
sérieuse ne se déroulait sans un rapport politique de Staline. Aussi les cadres
du Parti le connaissaient-ils bien [231] . »
Il est donc déjà un homme d’appareil. Ses rapports avec les masses sont filtrés
par les bureaux. Volkogonov en conclut brutalement : « Staline entra
dans la révolution […] comme un fonctionnaire insignifiant de l’appareil du
Parti [232] . »
    Or, même dans une telle période d’ébullition politique, un
parti révolutionnaire a besoin d’un appareil, au rôle certes secondaire, mais
gage de sa permanence et d’un minimum de stabilité. À l’ombre de Sverdlov,
véritable secrétariat du parti bolchevik à lui tout seul, Staline est déjà un
rouage important de cet appareil. Il a déjà, de façon certes embryonnaire, le
comportement caractéristique de l’homme de parti. Ainsi, chargé en août d’expliquer
au Bureau central des organisations militaires bolcheviques la décision de ne
pas publier provisoirement leur journal, il déclare qu’il n’y a aucune raison
de discuter de quoi que ce soit avec ses représentants : « Une fois
la résolution adoptée, elle doit être exécutée sans aucune discussion [233] . » À la
discussion, il préfère l’oukase. Homme de l’appareil, peu engagé dans la lutte
politique publique, il se voit logiquement confier des missions de l’ombre,
discrètes mais nécessaires : il est ainsi l’homme des négociations avec
les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks majoritaires au soviet.
    Si Staline parle peu, il écrit beaucoup : de mars à
décembre, il publie plus de 70 articles et notes dans la Pravda et
ses divers succédanés. Ses écrits des dix mois de 1917, banals commentaires du
quotidien, emplissent à eux seuls (avec ses interventions aux conférences et au
congrès) le troisième tome de ses Œuvres complètes. C’est sans doute
pour cette intense période d’activité littéraire qu’en 1920, à la conférence du
Parti communiste ukrainien, pour la première et dernière fois, il remplit la
case du questionnaire relative à la profession par « publiciste ».
    À la mi-mai, les Alliluiev déménagent dans un appartement
plus grand avec ascenseur. Ils réservent à nouveau à Staline une chambre à
part. La famille est aux petits soins pour lui. Souvent, le soir, il apporte en
rentrant du pain, quelques provisions ; il raconte les événements de la
journée et lit à l’assistance des passages de Pouchkine, Gorki, les contes de
Tchekhov, en particulier Le Sous-Officier Prichibeiev, dont il souligne
les effets comiques. La fille de son hôte, Nadejda, lycéenne de 16 ans, l’écoute
avec passion et s’éprend bientôt de ce militant tranquille, de vingt-deux ans
plus âgé qu’elle mais nimbé de romantisme

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