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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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l’appel de la nature libre et inépuisable ». Elixir de jeunesse, le Brésil arrache un temps Zweig aux démons du vieux monde. L’écrivain n’a pas changé, pas davantage l’homme. Zweig n’est pas revenu des belles choses de la vie. Il conserve intacte sa sensibilité. Tout ce qu’il écrit vibre encore, comme autrefois. Sa prose toujours inspirée exprime jusqu’à la fin, son amour, sa tendresse, sa générosité. Malgré les événements et malgré les années, elle garde sa jeunesse, un rythme et une vivacité qu’il n’a jamais perdus.
     
    Il lui semble simplement, et avec d’autant plus d’évidence dans ce paysage solaire, extravagant, où la végétation se reproduit à une vitesse qu’il taxe de « véhémente », il lui semble qu’il n’a pas assez vécu. L’avenir, cet avenir en lequel le Brésil lui redonne confiance, se fera sans lui. Les générations se succèdent, la sienne, croit-il, a fait son temps. A quoi sert de prolonger la vie, quand elle a été incomplètement vécue ? « Le sage vit tant qu’il doit, non pas tant qu’il peut » : ce conseil de Montaigne, Zweig ne cesse de se le répéter, en se promenant doucement, le soir, sur les trottoirs joyeux de Copacabana, la fragile et silencieuse Lotte à son bras. Au Brésil, éperdu de nostalgie pour ce qui fut hier, il sait maintenant qu’il appartient au vieux monde, et que l’heure est venue de mourir.
     

    Le monde d’hier
     
    Contraste éblouissant : au moment même où il écrit Brasil, pais do futuro – la première édition du livre paraît sous ce titre, en portugais, en octobre 1941 –, il rédige ses souvenirs auxquels il donnera pour titre Le Monde d’hier . D’un jour à l’autre, ou d’une heure à l’autre, son cœur balance. D’un côté, l’avenir l’appelle et c’est pour un univers imprécis mais plein de promesses qu’il formule ses vœux. Il a encore assez d’espérance pour envisager un monde plus juste, plus érasmien, plus digne en tout cas de répondre au seul idéal qui fut le sien d’établir entre les êtres comme entre les peuples et les nations, des liens de tolérance et de compréhension. Mais d’un mouvement tout aussi instinctif et romantique, loin de regarder devant lui, il éprouve le besoin de contempler le reflet de ce qu’il aime encore, malgré ses fautes et ses errements, le reflet sombre de son passé.
     
    Alternant les songes du Nouveau Monde et de l’Ancien, Zweig hésite entre le soleil et le crépuscule, entre les promesses et les souvenirs. Le Brésil et l’Autriche, l’Amérique et l’Europe, autrefois et demain, livrent en lui une bataille qui rejette à l’arrière-plan, par son éclat, par sa violence, l’actualité quotidienne. Zweig ne voit plus la vie qu’à travers les miroirs de son imagination, qui tantôt se projette loin au-delà du temps, dans le siècle futur, tantôt s’abandonne aux mirages de la mémoire. Le bel aujourd’hui, l’amour docile de Lotte, les images luxuriantes et tropicales qui l’entourent, la samba, la caipirinha , les derniers plaisirs, les derniers bonheurs s’estompent. Zweig est ailleurs. Dans la poursuite éperdue d’un vieux rêve, dans le retour aux sensations du passé. Se cherche-t-il encore lui-même ? Tandis que la route bifurque – demain ? hier ? – son choix est déjà fait.
     
    Son Brasil provoque dans le pays qui l’a inspiré des réactions contradictoires ou mélangées. Les Brésiliens sont flattés qu’un Européen de vieille souche ait choisi d’habiter chez eux et écrive un livre à leur louange. L’expression même Pais do futuro s’inscrit dans les esprits et authentifie un projet qui les enthousiasme. Le Brésil serait-il, bel et bien, la nation de demain, promesse d’équilibre, de justice, de bonheur ? La situation politique et économique est beaucoup moins riante cependant que la vision de Stefan Zweig, et le jardin d’Eden connaît trop de problèmes pour que les Brésiliens se reconnaissent dans ce tableau d’un paradis des premiers âges, candide et pacifié. La misère est le lot du pays, l’injustice et l’inégalité sociale font lourdement partie du paysage, et, à l’aube de ces années quarante, le gouvernement n’offre guère une image de tolérance et de compréhension. Sans s’avouer fasciste, le président Getulio Vargas applique un régime fort et admire les puissances de l’Axe. Sorte de Mussolini sud-atlantique, de Caudillo brésilien,

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