Suite italienne
lui des histoires de clocher sans importance.
Alors qu’il avait rêvé une couronne européenne, il lui faut s’occuper d’un petit seigneur local, Louis de Beaumont, alcade de Viana, dont il refuse de rendre le château à son roi.
César est chargé de reprendre la petite ville et son château. Il va l’assiéger avec cinq ou six mille hommes et quelques pièces d’artillerie. Le temps est détestable. Les tempêtes de neige font rage et César déteste la neige. Il est un homme du soleil, et dans ces vallées* étroites, le soleil a bien souvent du mal à percer.
C’est là que, le 11 mars 1507, il va trouver la mort, criblé de coups de lances et de dagues par un groupe de soldats de Beaumont qui l’ont attiré au fond d’un ravin.
Quand Jean de Navarre découvrira enfin son corps, il s’apercevra qu’il a été dépouillé de tout, armes et vêtements, et qu’il gît nu dans la neige. Alors, on jette sur lui une couverture, on le hisse sur le dos d’un mulet, bras et jambes pendant de chaque côté, et on le ramène au camp en attendant de l’enterrer dans la cathédrale de Viana reprise.
La nouvelle de sa mort fit lever en Europe une curieuse vague de romantisme. On écrivit des poèmes à son sujet. Mais elle alla cruellement frapper deux femmes qui ne s’étaient jamais vues et qui cependant lui étaient, au monde, les plus proches.
Lorsque Charlotte d’Albret reçut le messager qui lui annonçait la mort de son époux, elle ne versa pas une larme. Elle prit seulement par la main sa fille, la petite Louise, filleule du roi, et vint avec elle s’agenouiller dans son oratoire pour y prier longuement.
Ensuite, elle fit tendre de velours et de satin noirs tous les murs de son château de la Motte-Feuilly qui avait vu son trop court bonheur, deuil fastueux convenant à une duchesse de Valentinois, une princesse royale, puis, voilant de crêpe son doux visage, s’enferma seule avec sa douleur, dans le château-tombeau, où elle mourut en 1514, après avoir confié sa fille à Louise de Savoie sa marraine, mère du roi François I er … qui se chargea de son avenir.
Lucrèce pleura beaucoup puis se retira dans un couvent y prier pour le repos de l’âme de l’homme qui l’avait le plus fait souffrir au monde, et qu’elle avait aussi aimé de tout son cœur.
À présent, elle n’était plus Borgia et son charme lui avait conquis cette famille d’Este si hostile lors du mariage. Elle avait su se rendre agréable à son beau-père, plaire à son époux, se faire même une amie de la redoutable Isabelle, marquise de Mantoue. Elle moissonnait les cœurs, savait s’entourer d’artistes, d’érudits. Elle était Lucrèce d’Este, duchesse de Ferrare… une grande princesse de la Renaissance. Le taureau Borgia gisait foudroyé dans l’arène emplie de ses fureurs. Il n’en restait plus qu’un souvenir.
Médicis (FLORENCE)
I
Le plus beau printemps de Florence
Jamais Florence n’avait été si jeune, si fraîche et si fleurie ! En dépit de la saison encore neuve – on était le 7 février 1469 –, la ville ressemblait à un énorme bouquet, à une fresque chatoyante grâce aux tapisseries, aux soies précieuses piquées de toutes les fleurs que l’on avait pu trouver, coulant de toutes les fenêtres comme autant de fontaines pétrifiées. Mais une fresque animée par une foule en vêtements de fête, qui mettait l’arc-en-ciel jusque dans les ruisseaux encore boueux de la dernière pluie. À travers l’air bleu, les cloches de tous les campaniles sonnaient à rompre les bras des sonneurs et, dans chaque carrefour, des musiciens ambulants, des chanteurs proclamaient à qui mieux mieux la joie de vivre, la joie d’être jeune, la joie d’aimer, qui était celle de l’honnête mais turbulente cité marchande.
C’est que Florence, ce jour-là, se voulait à l’image de ses maîtres du jour : Laurent et Julien de Médicis, âgés respectivement de vingt et de seize ans…
La fête dont chacun se promettait tant de plaisir était un grand tournoi, ordonné par Laurent déjà dit le Magnifique malgré son jeune âge. Et à le voir chevaucher vers la place Santa Croce où allait se dérouler la joute, le peuple émerveillé se disait que le surnom n’était pas usurpé.
Sur une tunique de velours rouge et blanc dont les manches montraient des crevés de soie, le jeune homme portait une écharpe brodée de roses en perles fines, mais si adroitement disposées que
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