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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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le jeune homme hurla comme une bête et se défendit de son mieux. Mais que pouvait-il contre vingt hommes ? Bientôt l’herbe devint rouge et les cris se firent gémissements.
    Fut-ce la vue de ce sang qui rendit soudain au cardinal quelque conscience de l’acte insensé qu’il avait ordonné, mais il rappela soudain ses hommes :
    — En voilà assez, cria-t-il. Laissez-le !
    Brusquement, Hippolyte comprenait ce qu’il venait de faire et en envisageait les conséquences ; la colère du duc, celle de sa sœur, la puissante Isabelle d’Este, qui aimait beaucoup Jules, la haine d’Angela sans doute…
    Les yeux troubles, il regarda ses hommes s’écarter de leur victime, remonter en selle. Le pauvre Jules, couvert de sang, demeura couché dans l’herbe. Il semblait bien mort. Tellement même que le cardinal n’imagina même pas qu’il pouvait demeurer une étincelle de vie dans ce corps prostré. L’important était maintenant que l’on ne sût pas qui avait fait le coup.
    — Rentrons à Ferrare, ordonna-t-il en faisant tourner son cheval. Et le premier qui osera dire que nous sommes venus ici ce matin sera pendu !
    Au galop, la troupe s’éloigna. Hippolyte s’en alla chasser pour donner le change, certain que la mort de Jules serait attribuée à quelque bandit de grand chemin. Mais Jules n’était pas tout à fait mort.

II. Pas de pitié pour les maladroits !
    Le soleil était haut dans le ciel. L’heure de raidi était venue et le paysan qui, sa fourche à l’épaule, se hâtait de rentrer chez lui pour se rafraîchir et faire une sieste bien gagnée, était décidé à ne point se laisser arrêter en chemin. Pourtant, comme il passait le long d’un fourré, il entendit des plaintes qui semblaient venir de tout près. C’était un homme pieux et craignant Dieu : il alla voir et poussa un cri d’horreur. Là, dans l’herbe souillée de sang, un homme gisait. Son visage semblait n’être plus qu’une bouillie horrible, mais il vivait encore et même, quand le paysan se pencha pour s’en assurer, il leva vers lui une main qui suppliait mais sans articuler une parole.
    Un instant, le paysan demeura perplexe. Le blessé n’avait pas été victime de brigands. Il avait de belles armes, de riches vêtements et à sa ceinture, la bourse était toujours attachée. C’était sans doute quelque seigneur, appartenant à la cour de la duchesse qui séjournait à Belriguardo. Le mieux était d’aller prévenir.
    — Espérez un peu, messire, murmura le brave homme. Je vais courir jusqu’au château pour chercher du secours. Vous êtes trop grand et trop lourd pour moi et vous ne sauriez marcher.
    De la main, Jules d’Este fit signe qu’il avait compris et l’homme, après un dernier regard épouvanté, prit sa course vers la grande villa ducale où il donna l’alerte. Un moment plus tard, une troupe de serviteurs, que la duchesse Lucrèce avait envoyés avec une civière, rejoignirent, guidés par le paysan, le blessé qui gémissait toujours. Avec d’infinies précautions, on le déposa sur la civière et on le rapporta au château. Dans la cour, la duchesse et ses femmes attendaient, anxieuses.
    Mais à peine Angela Borgia eut-elle jeté un regard sur le corps étendu qu’elle poussa un grand cri et s’affala sur le sable, sans connaissance. Le beau garçon qu’elle avait tant aimé n’avait plus figure humaine. Il fallut, elle aussi, la porter à l’intérieur. Quant à Lucrèce, elle était horrifiée et pleine d’angoisse en songeant aux réactions de son époux devant l’agression sauvage dont avait été victime son jeune frère. Agression dont l’auteur, à ses yeux, ne faisait aucun doute.
    — Je t’avais bien dit de te méfier du cardinal, dit-elle tristement à Angela quand la jeune fille reprit connaissance. Je crains que le malheureux don Jules ait payé le prix de tes moqueries.
    Pendant plusieurs jours, les quelque trois cents chambres et les merveilleux jardins de Belriguardo retentirent des lamentations des femmes de la duchesse et des sanglots désespérés d’Angela qui refusait toute consolation. En grande hâte, le duc Alphonse, prévenu, avait envoyé de Ferrare les meilleurs médecins et il en était même venu un d’une grande réputation, dépêché de Mantoue par la marquise. Isabelle d’Este avait toujours eu pour son jeune frère bâtard, dont elle aimait la beauté et le charme, des tendresses de mère. Cette affreuse nouvelle l’avait à la

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