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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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fois bouleversée et révoltée. Elle avait immédiatement écrit au duc Alphonse une lettre vengeresse et indignée dans laquelle elle vouait à tous les diables le cardinal Hippolyte. En conclusion, elle incitait son frère aîné à la plus grande sévérité.
    « Un si grand forfait ne saurait demeurer impuni sans que la terre ne crie vers le Ciel. Et que le coupable soit un serviteur de Dieu ne fait qu’accroître sa honte. Il vous appartient, mon seigneur et frère, d’user envers lui de la plus extrême rigueur, car c’est votre propre sang qu’il a osé faire couler… »
    Cette lettre plongea Alphonse d’Este dans une grande perplexité. Il était sincèrement navré de ce qui était arrivé à Jules et en éprouvait une profonde indignation. Mais d’autre part, il avait peine à frapper Hippolyte, son meilleur et son plus fidèle conseiller. Par ailleurs, tous deux étaient fils légitimes du duc Hercule et d’Éléonore d’Aragon, alors que Jules était de naissance irrégulière. Enfin, il lui répugnait de donner satisfaction au pape Jules II, son ennemi, qui, de Rome, profitant de l’occasion, fulminait contre Hippolyte et réclamait sa tête pour la seule raison qu’il ne pouvait le souffrir.
    Voulant se donner le temps de réfléchir, le duc commença par faire emmener le blessé à Ferrare afin de l’avoir sous la main et d’essayer de modifier autant que faire se pourrait ses sentiments envers le cardinal. Le 6 novembre, le pauvre Jules parvenait au château, installé aussi confortablement que possible et les soins redoublèrent. Ils ne l’empêchèrent d’ailleurs nullement d’endurer un véritable martyre.
    Avec une patience et une sollicitude assez éloignées de ses habitudes, Alphonse d’Este entoura personnellement le blessé d’attentions. Il s’installait de longues heures à son chevet, écoutant ses plaintes, veillant à ce qu’il ne manquât de rien, pressant les médecins pour obtenir la moindre lueur d’espoir.
    Les souffrances du blessé diminuèrent. Vint enfin le jour où Alphonse put affirmer à son jeune frère qu’il ne serait pas aveugle.
    — Les médecins jurent que l’un de vos yeux sera sauvé. Vous ne verrez que d’un œil, mais vous verrez clair.
    — Si vous saviez combien cela m’est égal, répondit Jules amèrement. J’aimerais cent fois mieux être mort, et mon seul regret est que ces misérables ne m’aient pas tué tout à fait.
    Le duc posa une main apaisante sur l’énorme paquet de pansements qui entourait la tête du blessé et murmura :
    — La vie est douce chose, mon frère, et la lumière est un si grand bien qu’avoir l’assurance de la retrouver doit vous apaiser quelque peu.
    — La lumière ne montrera que mieux quel objet d’horreur je suis devenu. Pensez-vous, mon frère, que ce soit là une vie digne d’être vécue ?
    — Vous étiez destiné à l’Église, Jules, vous l’êtes toujours. Dieu ne regarde que la beauté des âmes.
    — Dites cela au cardinal Hippolyte, monseigneur, vous le ferez bien rire. Et penser que tandis que je suis ici à souffrir comme une bête, à me désespérer, lui est libre, heureux. Alors que je voudrais le voir mort, je voudrais qu’il endure tout ce que j’ai enduré, je voudrais…
    Il s’énervait. Le duc prit sa main et la serra. Elle était brûlante.
    — Calmez-vous, je vous en conjure ! Vous vous faites mal sans rien arranger. Jules, je donnerais des années de vie pour vous ramener à votre état d’autrefois et vous savez combien la justice m’est chère, mais le cas du cardinal nous pose un grave problème de gouvernement. Nous sommes princes et n’avons que trop d’ennemis. Et je voulais vous demander si, au nom de notre père, au nom de la grandeur et de la prospérité de Ferrare… il ne vous est pas possible d’envisager… le pardon.
    Le blessé bondit comme si on l’avait piqué avec une épingle longue. Le paquet de pansements se tourna vers le duc Alphonse et il en sortit un cri de fureur.
    — Pardonner ? à qui ? À ce misérable qui a fait de moi un monstre ?
    — Qui vous a dit que vous serez un monstre, une fois ôtées ces bandelettes ?
    — Moi ! Je l’ai senti. Il m’a suffi, lorsque l’on change ces pansements, de passer mes doigts sur mon visage. Je suis défiguré, monseigneur, et vous le savez fort bien. Non, je ne puis pardonner. Je veux même qu’on le punisse avec une exemplaire sévérité.
    — Vous êtes encore trop

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