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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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qu’à ses propres lois, et les habitants de ces immenses clapiers ne portaient pas d’intérêt particulier aux questions raciales. Ils ne se préoccupaient fondamentalement pas de savoir si les punaises, qu’ils voyaient se balader chez eux en quête de nouvelles proies, s’étaient précédemment repues du sang d’un Aryen ou de celui d’un individu de race inférieure.
    La guerre éclata. Ceux qui, en lettres d’or, avaient brodé le mot « nationalisme » sur leurs bannières, triomphaient. Ils y avaient préparé l’Allemagne.
    1918 n’avait en rien mis fin à la propagande de guerre, bien au contraire. Vivre en paix avait avivé les sentiments belliqueux et la déclaration de guerre n’était plus devenue qu’une question technique. Le rationnement avait été instauré en 1938 et étendu depuis lors. La population, tellement harcelée par les exercices d’alerte et d’extinction totale des lumières en cas d’attaque aérienne, éprouva presque un sentiment de soulagement lorsque la guerre éclata. Puisque tout cela devenait réalité – du moins était-il à espérer que les alertes ou attaques ne se reproduiraient pas trop souvent, mais qu’elles seraient chacune une raison d’autant plus « forte » d’aller vers la victoire. Les eaux dormantes de la région des Marais avaient été témoins d’exécutions en masse d’opposants politiques. Désormais, les Fils de l’Allemagne allaient pouvoir s’acheminer vers une fin plus mythique, et tels les soldats héroïques promis au Valhalla, ils verraient leur sacrifice glorifié par le peuple tout entier. Ils seraient vénérés à l’autre bout du monde par tous les Japs à petites lunettes de l’empire du Soleil-Levant, ou encore, applaudis par les bouffeurs de macaronis. Tous ces gens incarnaient la gloire aryenne. Tous pensaient à l’identique. Et puis, il fallait bien qu’ils légitiment leurs invasions, qu’ils modernisent le matériel militaire. Gloire aux surhommes…
    La « mère Krause », par contre, figure emblématique de la brave ménagère berlinoise, était moins convaincue et soupirait : « V’là un mauvais vent qui va mal tourner, c’est moi qui vous l’ dis. » Le hurlement des alarmes aériennes l’envoyait régulièrement à la cave aménagée en abri, où elle avait le plaisir de retrouver plus de soixante-dix de ses voisins, au milieu de leurs couvertures, gamelles en fer, grosses valises, chiens et autres canaris et… même nous ! qui étions aussi de la partie. La mère Krause connaissait mes grands-parents depuis très longtemps et elle ne les avait jamais offensés. « Mon vieil instinct fait que j’aime pas les Juifs », bougonnait-elle, « mais j’crois qu’ils sont pas méchants ».
    Vint le moment où je dus changer d’école, pour entrer en cours supérieur. Le choix se porta sur une école mixte de la Gross Hamburger Strasse . Là aussi, des prétentieux faisaient les malins et voulaient m’en mettre plein la vue avec leurs manières de gars de la ville. La guerre nous avait fait passer dans la catégorie des gens pauvres, n’ayant pas de quoi payer les frais de scolarité, et j’avais obtenu une bourse. Mais l’école elle-même était en difficulté. Elle fut transférée dans la Kaiserstrasse , puis par la suite dans la Lindenstrasse . Les autorités de la ville ne voulurent pas se compliquer l’existence avec les problèmes d’une école juive et encore moins avec ceux de ses occupants. Ils firent entreposer du grain dans l’ancienne synagogue de la Lindenstrasse juste à côté de l’école, de telle sorte que nous eûmes bientôt des visiteurs insolites : de beaux rats, bien gras et bien nourris.
    J’avais un copain de classe, moitié juif, dont la sœur fréquentait l’école aryenne, juste à côté. Par je ne sais quelle décision bizarre du tribunal, lui avait été déclaré juif et sa sœur, chrétienne. Lorsqu’ils se croisaient dans la rue, ils devaient faire semblant de ne pas se connaître, jusqu’à ce qu’ils trouvent un endroit tranquille, en prenant garde que personne ne les voie et ne les dénonce. Je les aidais souvent, en jouant les guetteurs.
    La mascotte de notre classe était un frêle petit garçon blond, orphelin, qui venait d’un petit village non loin de Halberstadt. Son sort d’unique Juif du coin lui avait déjà laissé quelques séquelles et c’est pourquoi il bénéficiait de toute notre sympathie.
    Alors que cette guerre

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