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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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nous dûmes en conclure qu’il s’agissait bien de nous ! Nous attrapâmes notre valise ainsi que l’autorisation de sortie et nous précipitâmes jusqu’à la grille, avant que la Gestapo ne change d’avis. Le policier de contrôle vérifia notre ressemblance avec les photos des papiers d’identité et fit observer, comme pour s’en excuser : « Il y a eu une erreur. Nous ne savions pas que vous étiez frère et sœur. C’est bien cela, n’est-ce pas ? En tout cas, on ne peut plus corriger les documents. Ils sont déjà signés. » Je jetai un coup d’œil sur la chaussée grise de la rue, côté liberté, et sans plus tarder lui dis : « Ce n’est pas grave, on se débrouillera comme ça. » Le portail en fer s’ouvrit, et nous courûmes jusqu’à l’angle de la rue suivante.
    Libres de nouveau ! C’était un sentiment exaltant, mais pour combien de temps ?… Un formulaire sur lequel figurait la mention « Attestation de libération pour M. Geve et sa famille » ne suffisait pas pour nous éviter une deuxième arrestation. Il fallait que je m’occupe de nous procurer des papiers, qui nous assurent vraiment la liberté. Je me rendis à l’unique bureau des Affaires de la communauté juive qui restait, Oranienburgstrasse , et plaidai mes droits. Comme je ne figurais pas sur les fichiers de salaires, on refusa de me délivrer une attestation prouvant que j’avais travaillé. Après une discussion houleuse, il fut finalement accepté de m’enregistrer comme terrassier au cimetière de Weissensee . J’obtins ainsi ces fameux privilèges dont, au départ, seul bénéficiait le « Service d’ordre », qui assistait la police lors des arrestations. En échange d’un engagement solennel de ma part, en vertu duquel je devais me rendre tous les jours au travail, quelque soient les attaques aériennes ou mes difficultés personnelles, je reçus un laissez-passer spécial avec d’innombrables tampons et signatures et fus autorisé à porter, à la place de mon étoile jaune, un brassard rouge arborant la mention : « Membre du personnel n o … ». Je n’ai jamais pu m’expliquer pourquoi il était rouge, couleur à la fois interdite, car elle représentait la gauche, en même temps qu’elle ornait les drapeaux à la gloire d’Hitler. Mystère. Quoi qu’il en fût, seul importait le fait que, cet atout en main, je pouvais tromper la Gestapo.
    En dépit de tous les règlements en vigueur, nous nous traînâmes à pied, à travers un Berlin sans éclairage, jusqu’à notre appartement, qui était assez loin. Nous arrivâmes au petit matin et réveillâmes le portier. Lui, qui pensait avoir vu les derniers Juifs de son existence, ne fut pas déçu : « Quoi ! Vous êtes libérés ! À cette heure ? Et les autres ? Ils rentrent aussi ? »
    Il vérifia que tout était en règle et, à contrecœur, nous remit la clé. Visiblement, le bonhomme aurait préféré que ce fussent d’autres Juifs qui rentrent, qui l’auraient copieusement arrosé. Nous arrachâmes les scellés que la Gestapo avait posés sur la porte et nous jetâmes sur nos lits, pour sombrer dans un sommeil réparateur et bien mérité.
    « Qui ne demande rien n’a rien », dit le proverbe. « Ne pas attirer l’attention », telle fut notre nouvelle devise. Réveillé le lendemain matin à cinq heures, j’arrachai à la hâte mes signes distinctifs et pris le tram pour aller au cimetière, situé loin d’ici. Sur place, il y avait une demi-douzaine de fossoyeurs, qui avaient échappé à la déportation. Bien évidemment, je me mis au travail avec toute l’ardeur du monde.
    Par la suite, nous fûmes rejoints par quelques collègues, à moitié juifs, et quelques adolescents. Je n’étais pas le plus petit, mais de très loin le plus jeune. Le travail était très dur, mais nous ne pouvions pas nous défiler et laisser les autres en plan. Creuser des tombes de un mètre quatre-vingts de profondeur devint notre pain quotidien. Parfois, il arrivait que les parois de terre à la verticale s’effondrent et que l’un d’entre nous soit à moitié enseveli. Nous nous aidions alors mutuellement à nous extraire de là et nous parvenions encore à en rire un peu.
    Bientôt je devins un ouvrier à part entière, avec les sabots de bois, la pioche, la pelle, un rendement minimum obligatoire et une enveloppe hebdomadaire. Nous faisions très souvent des heures supplémentaires, car il y avait tous les jours

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