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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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de bûches qui illuminent sa chambre.
    Le dimanche au matin, le docteur Cruveilhier est à son chevet. Après avoir interminablement déshabillé et délicatement palpé son malade, il diagnostique un anthrax dans la région lombaire.
    — Prince, il faut inciser.
    Et sans anesthésie !
    — Savez-vous, monsieur, que vous me faites très mal, souffle seulement Talleyrand pendant le lent charcutage auquel procédait le successeur de Bourdois de la Motte.
    Bacourt, qui rôdait encore à Saint-Florentin, a vu Charles Maurice sortir de « la salle d’opération ». Il témoigne en ces termes :
    — Le visage du prince était altéré, on voyait qu’il avait beaucoup souffert et qu’il souffrait encore, mais son ton était calme et doux, son esprit serein et très présent. Oui, ajoute-t-il, monsieur de Talleyrand est un des hommes qui ont cru le plus à l’empire et à la puissance que l’action morale peut exercer sur la nature physique.
    Inquiète devant la longueur et l’horreur de l’entaille du coup de bistouri, Dorothée s’était décidée à convoquer l’abbé Dupanloup au chevet de son opéré.
    Il était déjà venu à Saint-Florentin, quelques jours plus tôt, le cher abbé, et Charles Maurice lui avait alors confié deux feuillets couverts d’une écriture fine, sans la moindre trace de tremblement. Il s’agissait du fameux texte de sa rétractation, de sa demande de pardon à l’Église.
    Le confesseur de Pauline avait aussitôt soumis le document à l’appréciation de l’archevêque de Quélen et aujourd’hui il le rapportait revu et corrigé. Le précieux manuscrit avait été remanié, découpé en deux documents distincts : premièrement une explication destinée au Saint-Père, deuxièmement une déclaration de regret et de soumission entière à l’Église.
    — Il faut signer maintenant car vous ne pouvez ignorer que votre grand départ est imminent, conseilla-t-il à l’agonisant. Voulez-vous d’abord que je vous en fasse lecture ?
    — Non, laissez-les-moi, je les lirai moi-même.
    Et au matin du 15 mai, la rétractation n’était toujours pas signée.
    On avait beau tenter d’effrayer le malade en lui glissant à l’oreille :
    — Signez pendant que votre main le peut encore...
    Rien n’y faisait.
    Allons, ce n’était pas au prince de la diplomatie de ce bas monde qu’on allait apprendre à négocier avec l’Au-delà !
    Le mercredi 16 mai, Dupanloup ne bougea pas de la chambre du prince rendu à la dernière extrémité. Il insista :
    — Voudriez-vous enfin signer votre déclaration ?
    — Laissez-moi jusqu’à demain. Demain, ce sera fait entre cinq et six heures du matin.
    Dorothée, Bacourt, Pauline, Charlotte et combien d’autres le veillèrent toute la nuit. « Debout, fidèles, figés, fascinés. »
    Sa dernière nuit.
    Mais aussi quel terrible spectacle !
    La chambre du prince moribond ressemblait étrangement à une chambre de torture.
    — On pouvait voir l’appareillage de cordes et de poulies qui, attachées au plafond, aidaient à soulever, à retourner le corps douloureux, soutenu par des coussins afin d’éviter tout contact sur l’énorme plaie, béante comme un cratère, qui s’enfonçait dans les reins jusqu’aux entrailles, s’est souvenu Adolphe de Bacourt.
    À cinq heures du matin, une forme blanche se glissa au chevet du mourant.
    En clignant des yeux pour mieux distinguer la silhouette, dans l’éclairage blafard on put reconnaître celle de Marie-Thérèse de Périgord.
    Marie-Thérèse de Périgord était la fille que Charlotte – l’enfant de Bourbon-l’Archambault ! – avait eue de son mari, le baron Alexandre. Elle avait une douzaine d’années, elle était vêtue de gaze et de tulle, elle devait faire le jour même sa première communion.
    — Mon oncle, dit-elle, je m’en vais bien prier pour vous ; je vous demande votre bénédiction.
    — Mon enfant, murmura-t-il faiblement, je vous souhaite beaucoup de bonheur pendant votre vie et, si j’y puis contribuer par quelque chose, je le ferai de tout mon coeur.
    — Bénissez-la donc, insista la duchesse de Dino.
    Alors elle s’agenouilla et il marmotta quelques paroles avant de déclarer :
    — Voilà bien les deux extrémités de la vie : elle va faire sa première communion... et moi...
    Son dernier mot d’esprit !
    À la suite de quoi, au grand soulagement du père Dupanloup, il accepta enfin de parapher sa terrible rétractation.
    — Dès

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