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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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dans ceux de ses filles et dans l’alcôve de sa belle-fille. Les observateurs du temps n’ont en effet pas manqué de signaler que la princesse de Carignan, ainsi que sa cadette, Charlotte de Lorraine, et leur belle-soeur, la princesse de Vaudémont, avaient été du dernier bien avec ce diable de séducteur.
    — Il était si tendre et si spirituel, avoue la première.
    — Il était exquis, courtois, onctueux, confie la deuxième qui ne fut pourtant qu’une maîtresse éphémère puisque, devenue abbesse de Remiremont, elle mourut en son trentième printemps.
    Ce fut une longue histoire, en revanche, avec la princesse de Vaudémont, et quarante ans plus tard, c’est-à-dire au temps venu des « maussades redingotes louis-philippardes », quand l’un et l’autre ne célébreront plus le culte d’Éros, ils continueront de cultiver une affectueuse tendresse.
    Car non seulement Talleyrand pouvait être fidèle en amitié, mais il réussira presque toujours – ce que l’on peut d’ailleurs considérer comme un tour de force, au XVIII e  autant qu’au XXI e  siècle ! – à demeurer en bons termes avec ses ex-maîtresses, tant les fugaces que les attitrées de quelques mois.
    Si Charles Maurice aime – ô combien ! – les femmes, il ne méprise pas pour autant la compagnie masculine. Son pavillon de Belle-Chasse ne tarde pas à devenir le point de ralliement de tout ce que Paris compte alors de jeunes aristocrates, de savants en herbe, d’affairistes, d’écrivains ou de refaiseurs de monde. Aussi se précipite-t-on chez lui pour passer de bons moments à bavarder en se pourléchant les babines. Car l’homme était gourmet et son cuisinier irréprochable.
    Choiseul-Gouffier, Narbonne, Gontaut-Biron, duc de Lauzun ; Mirabeau, Dupont de Nemours, le spirituel Jean-Baptiste Chamfort, qui tentera un jour de se brûler la cervelle ; le futur académicien Marmontel, l’abbé Jacques Delille, le poète surnommé le dupeur d’oreilles tant ses vers coulaient aisément, le banquier Panchaud, le duc de Brancas-Lauragais, Rulhière, l’historien de la Russie ; Bourlier, le futur évêque d’Évreux et financier de l’impératrice Joséphine ; Barthez, qui sera un jour le médecin consultant de Napoléon, et les autres... Toutes ces fines gueules qui laisseront quelques traces dans l’Histoire avaient plaisir à venir s’attabler régulièrement au pavillon des dames du Sépulcre, lesquelles étaient à mille lieues d’imaginer qu’un diable sommeillait dans la soutane de leur locataire.
    Mais la porte de l’office ne s’ouvrait vraiment pas sur l’enfer.
    Car Charles Maurice savait recevoir ses invités avec un art consommé.
    — Que c’était beau de le voir découper lui-même à table une pièce de boeuf ! s’extasie madame de Coigny.
    Et non seulement il débitait artistiquement le rôti mais, lorsqu’il procédait à la distribution des tranches, on assistait alors à un très grand numéro. D’abord, il s’adressait au plus titré de ses convives :
    — Monseigneur, Votre Grâce me fera-t-elle l’honneur insigne d’accepter une tranche de ce boeuf ?
    Et il continuait le service en respectant la hiérarchie et en distillant savamment ses propos.
    — Monsieur le duc, aurai-je la grande joie de vous offrir un morceau de boeuf ?
    — Avec joie, mon cher.
    — Monsieur le marquis, accordez-moi l’honneur de vous offrir du boeuf.
    — Mille grâces, monseigneur.
    — Mon cher comte, aurai-je le plaisir de vous donner du boeuf ?
    — Que de bontés...
    — Baron, voulez-vous du boeuf ?
    — S’il plaît à monseigneur.
    — Chevalier, un peu de boeuf ?
    Et, pour en finir, l’invité lambda qui se trouvait en bout de table n’avait droit qu’à un méprisant mouvement de fourchette.
     
    À la fin du repas, le vin et les liqueurs ayant coulé à flots, il arrivait, bien sûr, que les convives se lâchent un peu. Et leur hôte aussi. Surtout quand, pour pimenter la soirée, il avait fait appel à trois ou quatre comédiennes faciles qui, entre la poire et le fromage, n’hésitaient pas à se dévêtir lascivement pour être très agréables à la société de Charles Maurice...
    Comme il ne manquait pas d’imagination, lors de certain de ces dîners, lestement agrémenté, il proposa même à ses amis de se livrer à une partie de colin-maillard à sa façon.
    — L’un après l’autre nous allons tous nous bander les yeux avec cette serviette. Une fois

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