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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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n’existent que pour leurs maris et n’ont d’autres distractions que leur ménage et leur maison.
    Moreau de Saint-Méry n’en pensait pas moins.
    — Les Américaines ? Adorables à quinze ans, elles sont fanées à vingt-trois, vieillies à trente-cinq, décrépites à quarante ou quarante-cinq, elles perdent trop tôt leurs formes, leurs dents et leurs cheveux, et sont sujettes aux crises de nerfs... Et puis elles ont la fâcheuse habitude de laisser les hommes payer ce qu’elles ont acheté dans les boutiques et d’oublier de les rembourser.
    Une chose est sûre, Moreau n’était pas vraiment l’ambassadeur de la galanterie française !
    — Elles ne manifestent jamais d’émotions fortes, termine-t-il, elles maîtrisent trop leurs délires.
    Sauf la mulâtresse de Charles Maurice, évidemment !
    La nerveuse Doudou qu’il se décide pourtant à quitter pour de bon lorsqu’il apprend – en novembre de 1795 – que la Convention est toute disposée à favoriser son retour en France.
    Grâce à Germaine !
    Car, même si entre-temps la fougueuse fille de Necker n’a pas résisté au charme de Benjamin Constant, elle ne peut s’empêcher d’avoir encore et toujours une pensée émue pour son pied bot préféré. Alors, elle a lancé une opération d’envergure auprès des successeurs de Louis XVI (mort exécuté) et de Robespierre (mort exécuté, lui aussi) pour que l’évêque d’Autun puisse un jour prochain fouler de nouveau la bonne terre de France en toute sérénité.
    — Il a été mis sur la liste des émigrés quoiqu’il soit sorti avec une mission du gouvernement, explique-t-elle à Tallien.
    À la suite de quoi elle insiste auprès d’Eugénie de la Bouchardie, amie de Joséphine de Beauharnais et maîtresse de Marie-Joseph de Chénier (le frère du célèbre et malheureux André du même nom), influent député de la Convention depuis qu’il avait imaginé les impérissables paroles du Chant du départ .
    — La France est tout pour Talleyrand. Il a travaillé à la Déclaration des droits de l’homme, à l’égalité de tous les citoyens, il serait vraiment trop injuste que l’on continue à le traiter en banni, vous ne trouvez pas ?
    Et elle fait mouche !
    Car il ne se passe que peu de jours avant que Marie-Joseph, le parolier célèbre donc, ne se lance à l’assaut de la tribune avec sa voix de stentor pour plaider la cause de Charles Maurice qu’il n’a pourtant jamais rencontré.
    — Je réclame votre attention ! Je tiens à la gloire de venir défendre dans une assemblée républicaine la cause d’un patriote de 89, honoré comme nous par la haine des tyrans et des esclaves... Dans le temps où il était proscrit en France par Robespierre et Marat, Pitt le proscrivait en Angleterre. Républicain par fierté d’âme et par principe, c’est au sein d’une république, c’est dans la patrie de Benjamin Franklin qu’il est allé contempler le spectacle imposant d’un peuple libre, en attendant que la France ait des juges et non des meurtriers, une république et non une anarchie constituée. C’est pourquoi je réclame de vous Talleyrand-Périgord, je le réclame au nom de ses nombreux services, je le réclame au nom de l’équité nationale, je le réclame au nom de la République qu’il peut encore servir par ses talents et ses travaux, je le réclame au nom de votre haine pour les émigrés dont il serait, comme vous, la victime si des lâches pouvaient triompher !
    Chénier s’éponge le front, il descend de la tribune. Comment la salle va-t-elle réagir ?
    Bien.
    Il ne se passe en effet que quelques minutes avant que la Convention ne vote presque à l’unanimité la résolution suivante : « Talleyrand-Périgord, ancien évêque d’Autun, peut rentrer sur le territoire de la République française et son nom sera rayé de toute liste d’émigrés. »
    Merci Germaine, adieu Doudou.

Chapitre sept
    Delacroix, le calvaire
    Merci Germaine, adieu Doudou et bonjour Adélaïde !
    Après avoir sillonné les océans pendant quarante jours à bord d’un brick danois baptisé Den Ny Proeve (la Nouvelle Épreuve !), en débarquant à Hambourg, le jeudi 28 juillet de 1796, Charles Maurice ne s’attendait sans doute pas à être cueilli à froid par un certain monsieur de Riccé venu le prier de ne pas se montrer en ville.
    Cet homme-là agissait sur ordre de madame de Flahaut qui vivait alors à Hambourg – un centre d’émigration joyeuse

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