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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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empochant de substantielles commissions. Au total, après ses vingt-cinq mois d’Amérique, il aura tout de même engrangé quelque 140 000 dollars.
    Il est vrai qu’il ne ménageait pas ses efforts, si l’on en croit son ami Beaumetz qui l’accompagnait dans ses pérégrinations.
    — Il fallait le voir à la tâche, cet homme claudiquant de presque quarante ans ! Naguère poudré et parfumé, paresseux et noctambule, il n’hésitait pas à s’enfoncer dans la forêt vierge, dans les lianes, dans les broussailles, dans les amoncellements d’arbres gigantesques écroulés de vétusté, se taillant un passage, la hache à la main ou parfois s’embourbant dans de traîtres marécages...
    — Il y a ici beaucoup d’argent à gagner, plus de moyens de faire de la fortune que dans aucun autre endroit, confie-t-il alors à madame de Staël à qui il écrit régulièrement en n’oubliant jamais cette tendre formule de bas de page : « Adieu, je vous aime pour ma vie et de toute mon âme. »
    Il n’y a pas à dire, ce diable d’homme savait parler aux femmes.
    — C’est vrai, raconte madame de La Tour du Pin-Gouvernet qui avait alors émigré à Albany et que Talleyrand surprit un jour, en tenue de cuisinière. J’étais dans ma cour avec une hachette à la main, occupée à couper l’os d’un gigot que je me préparais à mettre à la broche pour le dîner, explique-t-elle, quand tout à coup derrière moi une grosse voix s’est fait entendre. Elle disait en français : « On ne peut embrocher un gigot avec plus de majesté. » Me retournant vivement, j’aperçus monsieur de Talleyrand... Il se montra aimable, comme il l’avait toujours été avec moi, sans aucune variation, avec cet agrément de conversation que nul n’a jamais possédé comme lui...
    C’est un bon souvenir, encore, qu’il laisse à la toute charmante Theodosia Burr, la fille d’un sénateur de l’État de New York qui l’a hébergé quelque temps dans sa magnifique propriété de Richmond Hill à Greenwich City.
    — New York ! Quel haut lieu de la prostitution internationale, observe Charles Maurice en grand connaisseur de petites vertus.
    S’il s’en amuse, son ami Moreau de Saint-Méry est plutôt offusqué :
    — Dans cette cité de trente-trois mille habitants, les moeurs ont déjà l’une des marques de corruption les plus hideuses, dit-il. Indépendamment de plusieurs points de la ville où des portions de rues entières sont consacrées à la réunion des prostituées, indépendamment de beaucoup de maisons de débauche, communes dans un endroit que l’irréligion a appelé je ne sais pourquoi la terre sainte ( Holy Ground ), on trouve dans les rues, surtout depuis dix heures du soir, des femmes de toutes les nuances qui provoquent les hommes et tirent vanité de toute l’effronterie du libertinage...
    De retour à Philadelphie et bien que Doudou possède sur le bout de ses doigts l’art et la manière de lui faire passer le temps, Charles Maurice s’ennuie.
    De la France, surtout.
    Car il a beau se raisonner, il ne parvient pas à s’imaginer vivre définitivement sur les bords de l’Hudson ou de George River. Décidément non, il n’a rien en commun avec « les Américains qui ne perdent jamais une occasion de s’enrichir », dit-il sans imaginer un instant qu’il ne vaut pas mieux qu’eux.
    — Il n’y a peut-être pas de pays civilisé dans le monde où il y ait moins de générosité dans les sentiments, moins d’élévation dans les âmes, et, dans les têtes, moins de ces illusions douces ou brillantes qui font le charme ou la consolation de la vie, insiste-t-il. L’homme ici pèse tout, calcule tout et sacrifie tout à son intérêt...
    On dirait presque un autoportrait !
    Mais il y a du visionnaire, aussi, chez notre touriste émigré et boiteux qui est sans doute le premier à avoir annoncé :
    — L’Amérique deviendra un pouvoir colossal. Un moment arrivera où, placée vis-à-vis de l’Europe en communications plus faciles par le moyen de nouvelles découvertes, elle désirera dire son mot dans nos affaires et y mettre la main.
     
    Cent cinquante ans plus tard on assistera à la création de l’OTAN.
     
    Les Américains ne l’ont pas enthousiasmé ? Ne parlons pas des Américaines qu’il trouvait « trop bonnes ménagères, trop honnêtes et trop vertueuses ».
    Ce qui, pour lui, était foncièrement rédhibitoire.
    — Hélas ! oui, se désolait-il, elles

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