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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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faisant ses comptes, il constata qu’il était ruiné et que seule la mise à l’encan de sa bibliothèque pouvait lui permettre de se sortir de ce mauvais pas. Hélas ! les enchères furent catastrophiques. Avec les bibliophiles d’outre-Channel qui boycottèrent la vente pendant que les émigrés royalistes faisaient courir le bruit que sa collection de belles reliures était maudite et moisie.
    Or, dans le même temps, le roman d’Adélaïde devenait un « best-seller ». Un tirage inespéré et des droits d’auteur culminant à plus de 40 000 francs-or !
    Pour l’époque, la somme était plus que pimpante.
    De quoi faire enrager Charles Maurice qui se mit aussitôt à apporter quelques corrections aux bonnes pages de l’essai auquel madame de Staël venait de mettre la dernière – grosse – main, L’Influence des passions sur le bonheur des hommes et des nations.
    « Vaste sujet », comme dira un jour le général de Gaulle qui lui aussi fut un exilé londonien.
    Négocier une bibliothèque à vil prix, gratter les fonds de tiroirs, suggérer quelques modifications aux écrits de ses maîtresses venues de Paris, partager quelques thés coquins avec celles de Londres, se prélasser en d’interminables parties de pêche à la ligne en compagnie de son fidèle valet Courtiade dans les bassins de Hyde Park, prendre connaissance des événements qui se déroulaient en France et qui allaient crescendo dans le tragique, sans pouvoir tenter de les influer, voilà qui n’enthousiasmait pas le moins du monde l’ex-évêque d’Autun.
    Les nouvelles du continent ? Il considère en effet qu’elles sont plus catastrophiques les unes que les autres, et il n’a peut-être pas tout à fait tort : le roi sur l’échafaud, la création des tribunaux révolutionnaires, les comités de salut public, Marat qui a la poitrine trouée par le couteau d’une petite Normande répondant au nom de Charlotte Corday, les girondins qui se font raccourcir, deux mille morts dans les fusillades de Lyon, la Vendée qui a pris les armes, la tête de Marie-Antoinette qui roule à son tour dans le panier du bourreau, etc., voilà qui ne l’incite vraiment pas à revenir s’installer à Paris.
    Et pourtant il se voit bientôt obligé de quitter les bords de la Tamise. Toutes affaires cessantes. Sur ordre du Premier ministre Pitt qui craignait ses intrigues.
    — Vous êtes prié d’embarquer dans les cinq jours, lui annonce un messager d’État, un matin de janvier de 1794.
    — Qu’avons-nous commis de répréhensible ? En quoi la correction d’un roman et la pêche à la ligne peuvent-ils vous faire du tort ?
    — C’est la loi sur les étrangers qui veut ça ! C’est l’ Alien Bill qui est censée préserver notre royaume de la contagion révolutionnaire...
    Oui, mais aller où ?
    En Suisse, sur la recommandation de Germaine ? Non. Le gouvernement des cantons helvétiques ne souhaitait pas le moins du monde héberger cet apostat considéré comme « un dangereux baril de poudre ». En Allemagne ? Non plus. L’idée d’y retrouver toute la vieille faune versaillaise qui avait pris la poudre d’escampette dès la première alarme lui était insupportable. Pourquoi pas en France, malgré tout ? S’il n’y avait eu la terrible armoire de fer, il aurait pu oser un retour à Paris et tenter d’esquiver la lame de la guillotine, mais aujourd’hui, au bord de Seine, sa tête était mise à prix.
    Parce que lors de la violation des Tuileries par la populace énervée on avait découvert une petite armoire métallique cachée dans un mur, une manière de coffre-fort que Louis XVI avait fabriqué de ses propres mains sur les conseils de son serrurier Gamin et au fond duquel il avait dissimulé quelques lettres de Charles Maurice. Et ces documents-là étaient brûlants ! En les lisant, on s’était rendu compte que le Diable boiteux était habile à jouer sur tous les tableaux. On avait en effet constaté qu’il avait offert ses services à la monarchie au moment même où il les proposait à l’Assemblée.
    Alors, l’affaire n’a pas traîné. L’ancien député d’Autun fut immédiatement inscrit sur la liste rouge des émigrés et on lança un avis de recherche du genre : « Wanted Talleyrand-Périgord, taille 5 pieds 3 pouces – un mètre soixante-treize –, figure longue, yeux bleus, nez ordinaire un peu retroussé. L’homme boite d’un pied, le droit ou le gauche. »
    Restent les

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