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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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Captive ».
     
    C’est dans le majestueux hôtel de Galliffet de la rue du Bac, au siège de son ministère, que Charles Maurice rencontre Kelly pour la première fois.
    Il la connaissait déjà, cette grande demeure du faubourg Saint-Germain construite à la fin de l’Ancien Régime dans un style à l’antique très pur et réquisitionnée par la Révolution puisque, comme on y traitait les Relations extérieures, elle avait abrité madame Delacroix.
    Et ses relations intimes.
    Car l’on sait qu’à l’époque où la jolie Victoire de trente-sept ans se lamentait de voir son ministre de mari affublé d’« une monstrueuse loupe ventrale dans laquelle étaient confondus ses organes les plus délicats », Charles Maurice s’était souvent employé à la distraire.
    La maman d’Eugène Delacroix possédait « une certaine carnation de lys et de rose, une douceur discrète, un éclat voilé et de l’élégance dans les manières », c’est-à-dire tout ce que Talleyrand aimait chez la femme.
    Tout ce qu’il aima chez Kelly qui, selon lui, était l’archétype du beau sexe.
    Peut-être l’avait-il croisée à Londres, autrefois, cette jeune femme qui était née Catherine-Noëlle Worlée. Si oui, il avait dû la trouver charmante, mais comme il se préparait à embarquer pour le Nouveau Monde, il s’était sans doute contenté du bonheur des yeux.
    Et voilà que la vision londonienne réapparaissait un soir, à l’hôtel de Galliffet, quelques jours après qu’il se fut officiellement installé dans l’ancienne chambre des Delacroix.
    Il était pourtant de méchante humeur, ce soir-là, parce que les dieux du whist ne lui avaient pas été favorables.
    — Il y a une dame qui vous attend dans l’antichambre depuis trois heures, lui dit un valet.
    — Qui est-elle ? Que me veut-elle ? bougonna-t-il.
    Mais il ne bougonna pas longtemps.
    Quand il la trouva devant la cheminée, endormie sur une ottomane, « vêtue d’un manteau à capuchon, ample et court et d’où dépassait la gaze d’or d’une robe de bal », quand elle sursauta au bruit qu’il fit, qu’il découvrit son visage auréolé d’une couronne de cheveux blonds, qu’il devina que sa peau était plus duveteuse que celle d’une pêche, qu’il sentit que son haleine était douce, alors oui, sa morosité s’estompa dans la seconde.
    Et on dit que, malgré l’heure tardive, il accepta de lui accorder une audience.
    Et on dit encore que cette audience-là se prolongea jusqu’au lendemain matin.
    En réalité, la dame aperçue jadis sur les bords de la Tamise et retrouvée un soir rue du Bac ne s’appelait pas Kelly. Kelly, c’est le petit surnom mignon que lui donnera Charles Maurice quand ils n’auront plus de secrets l’un pour l’autre.
    Si c’est possible.
    Elle répondait au prénom de Catherine.
    Elle avait trente-cinq ans en 1797 quand le nouveau ministre en comptait quarante-trois. Et sur ces trente-cinq années, combien s’en étaient-ils écoulées sans qu’elle n’eût fait couper ses cheveux si fins et blonds ? Puisque, même entièrement dévêtue comme la sainte Marie-Madeleine effarouchée de la statuaire commandée par Enguerrand de Marigny visible en la collégiale d’Écouis, elle pouvait les laisser se dérouler bien au-dessous de la taille pour s’en faire une manière de voile de pudeur.
    Mais était-ce bien nécessaire ?
    Parce qu’ils étaient nombreux, déjà, à connaître sa délicieuse anatomie.
    Mais découvrons-la, si l’on ose dire.
    Elle voit le jour aux Indes, le 21 novembre de 1762, à Tranquebar, une parcelle de terre danoise cernée de possessions françaises. D’un père, monsieur Worlée, qui était officier du roi à Pondichéry et chevalier de l’ordre de Saint-Louis, et d’une mère dont on ne sait rien.
    Tranquebar, c’est le golfe du Bengale et la côte de Coromandel.
    Coromandel et Bengale, des noms qui laissent rêveur.
    Elle se marie à quinze ans. On la marie, plutôt ! Avec un Anglais un peu balourd dont les parents étaient des Français huguenots émigrés dans le Surrey. Cet homme-là, un certain George Grand, était en effet si timide et gauche que, selon un chroniqueur du temps, « les Français le prenaient pour un Anglais et les Anglais pour un Français ».
    Autant dire que sa personnalité n’était pas très affirmée.
    Pour preuve, quand il s’installa à Calcutta, il ne se passa que peu de jours avant qu’un véritable Anglais – sir

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