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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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s’attendait secrètement à être nommé architrésorier ou archichancelier et à devenir « Son Altesse sérénissime », il en conçut secrètement un peu d’amertume.
    Surtout quand il apprit que la dignité d’archichancelier – disparue depuis les Carolingiens ! – échoyait au deuxième consul, Cambacérès, Jean-Jacques-Régis de son prénom, un personnage avec lequel il n’était qu’en demi-sympathie. D’autre part, cet archichancelier n’allait-il pas être porté au grade de Grand Aigle dans le nouvel ordre de la Légion d’honneur quand lui-même n’aurait droit qu’au Grand Cordon ?
    Pour le serpent qu’était Charles Maurice – dixit la marquise de la Tour du Pin –, cette couleuvre-là fut pénible à avaler.
    — J’affirme qu’il y avait en lui du reptile, insiste madame de Coigny. Il était en effet sujet à de subites métamorphoses qui ne duraient pas mais qui étaient effrayantes. Alors la vue des honnêtes gens le gênait et il leur devenait odieux. Un jour où je devais le rencontrer, je craignais, allez savoir pourquoi, de le trouver dans cet état que je nomme sa peau de serpent...
    Du moins était-il sûr que Cambacérès ne chercherait jamais à rivaliser avec lui auprès des jolies dames du temps. Parce qu’il était de notoriété publique que Jean-Jacques-Régis préférait de très loin (ou de très près !) la fréquentation des éphèbes à celle des luronnes. À tel point même qu’on ne le surnomma bientôt plus que « l’archichandelier » de l’Empire.
    Et si le mot était de Talleyrand ?
    Qui dit Empire dit empereur.
    Et il ne pouvait y avoir d’Empereur sans sacre.
    À Notre-Dame de Paris, évidemment !
    Et pas de sacre sans pape !
    Or, le pape du moment n’était autre que Pie VII, c’est-à-dire l’homme de Rome qui avait dû se résoudre à voir se défroquer l’évêque d’Autun.
    — Si Sa Sainteté refusait de venir me couronner, je considérerais cela comme une injure, avait dit Napoléon. Et il appartient au ministre des Relations extérieures de la convaincre d’accepter notre invitation.
    Talleyrand comprit immédiatement qu’il s’agissait d’une convocation.
    Aussi devint-il subitement onctueux. Il excellait dans l’art de se costumer et, d’expérience, il savait aussi caresser la soutane.
    — Un refus éventuel peinerait tant l’Empereur, plaide-t-il. Le Saint-Siège ne devrait-il pas se montrer reconnaissant ? L’oeuvre de l’inventeur du Concordat n’est-elle pas considérable ? Les temples rouverts, les autels relevés, le culte rétabli, le ministère organisé, les chapitres dotés, les séminaires fondés, vingt millions destinés au paiement des desservants, la possession des États de l’Église assurée... Quel monarque a pu offrir de si grands et si nombreux services en l’espace de deux ou trois ans ?
    Alors Pie VII, le valétudinaire, se résigna à venir présenter la couronne impériale au « fils de la Révolution ».
    Mais en débarquant à Fontainebleau, le 25 novembre 1804, il ne s’attendait sans doute pas à être accueilli par un prélat relaps et promoteur de la constitution civile du clergé des folles années de la Révolution. On imagine – car rien n’a filtré jusqu’à nous – que, s’il y eut un tête-à-tête entre le successeur de Saint-Pierre et le père de Charles, d’Eugène et de Charlotte, l’ambiance en fut assez froide.
    Et Pie VII n’était pas au bout de ses surprises ! Le lendemain, à savoir le lundi 26, ce fut Kelly elle-même qui sollicita une audience ! À quelle fin ? Pour l’entretenir de son mariage avec un évêque ? Ce fut en vain, Pie VII refusa de la recevoir. Il est vrai que le successeur de Saint-Pierre ne pouvait décemment pas bénir l’incroyable union d’Épinay-sur-Seine ni donner son absolution à un tel péché mortel.
     
    Le sacre eut lieu le dimanche 2 décembre.
    Ce jour-là, Notre-Dame de Paris aurait pu, pourquoi pas, inspirer Fellini ou Sergio Leone. Car on ne pénétrait plus dans la vénérable cathédrale gothique que l’on sait, on entrait en pleine folie ! On baignait dans le kitsch à outrance. Le comte de Ségur, grand ordonnateur de la cérémonie, avait manifestement disposé d’un gros budget.
    Et fait preuve d’un goût redoutable !
    Tout l’intérieur du temple de Saint-Louis avait en effet été rebâti en carton bariolé de motifs gréco-égyptiens. Partout de faux pilastres, des frontons en toc, des

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