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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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colonnes en stuc badigeonnées façon ruines romaines, des obélisques enduits de jaune claquant...
    Et des aigles à profusion !
    Un peu comme si l’île de la Cité s’était subitement transformée en aire d’oiseaux de proie. Partout l’aigle était peint, « on vivait sous l’aigle ». Comme si le nouvel Empereur souffrait déjà du complexe des rapaces autrichiens et prussiens.
    Et que dire des costumes ?
    On était en décembre mais on eût pu se croire en carnaval avant l’heure.
    — J’ai eu du mal à retenir mon sang-froid quand j’ai vu Napoléon, avoue monsieur de Thiard, parce qu’il était revêtu d’un pantalon à sous-pieds en velours blanc parsemé d’abeilles d’or, qu’il arborait une fraise de dentelle, et qu’enfoncé dans son habit de velours rouge avec un chapeau retroussé par-devant, il me faisait penser à un roi de jeu de cartes.
    L’accoutrement du grand chambellan – en valet du même jeu – n’était guère plus discret.
    Ni de meilleur goût.
    En velours rouge, lui aussi, manteau de même, doublé de soie blanche, col, revers et parements brodés d’or, cravate de mousseline serrée comme une minerve, écharpe de soie blanche en sautoir, toque à la Henri IV.
    Sans oublier la haute canne sur le pommeau de laquelle il serrait nerveusement la main. La faute du froid – car Notre-Dame était une glacière en ce deuxième jour de décembre – et de sa jambe qui le faisait horriblement souffrir à force de rester debout interminablement.
    Alors vite, que la messe soit dite !
     
    Nouvelle cérémonie, six mois plus tard, au Duomo de Milan cette fois, quand Napoléon enfonce hardiment la couronne de fer des rois lombards sur son front, un bijou de quinze centimètres de diamètre fait de plaques d’or incrusté de rubis, d’émeraudes, de saphirs et de quelques diamants.
    Et Charles Maurice est encore au premier rang de la cérémonie.
    Hier, à Notre-Dame de Paris, après que le pape eut lancé Vivat imperator in aeternam  ! il avait vu l’Empereur se tourner discrètement vers son frère Joseph pour lui chuchoter :
    — Si notre père nous voyait !
    Aujourd’hui, dans la cathédrale milanaise, il n’a pas besoin de tendre l’oreille pour entendre Napoléon lancer fièrement :
    — Dieu me l’a donnée, gare à qui la touchera !
    En assistant à ce couronnement mené tambour battant, Charles Maurice savait-il bien que cette parure tout éclatante de pierreries nommée « couronne de fer » devait son nom à son armature qui, selon la tradition, était faite d’un clou ayant servi à crucifier Jésus-Christ ?
    Il le savait sans doute car rien ne lui échappait.
    Sauf l’invraisemblable.
    Comme cette nouvelle qui se mit alors à courir les salons parisiens et qui annonçait que, durant sa villégiature en Lombardie, « Son Excellence le grand chambellan de l’Empire » avait rendu son âme au père de Jésus-Christ.
    Car on colportait en effet que Talleyrand était mort à Milan, dans la cinquantième année de son âge !
    — Oui, confie alors madame de Vaisnes à son ami Thibaudeau, il est mort et il n’en avait nulle envie ! On dit qu’il la faisait courte et bonne avec des Italiennes, entre autres avec une ancienne maîtresse de Petiet (ministre des Finances à Milan), à qui il a donné force argent. Puis, brochant sur le tout, avec madame Simons Lange, qui le suivait ou le précédait dans chaque ville.
    On se souvient que Charles Maurice avait accepté d’être le témoin de cette belle comédienne lorsqu’elle avait épousé le banquier Simons après avoir été – entre autres – la maîtresse de Barras.
    Et la sienne !
    Huit ans plus tard, la pulpeuse Anne-Françoise-Élisabeth Lange, dont le Tout-Paris connaissait l’anatomie sur le bout des yeux depuis que le peintre Girodet avait exposé au Salon une toile la représentant sous les traits d’une Danaé ne craignant vraiment pas le froid, était toujours très désirable.
    Et Charles Maurice fut à même de le constater.
    Et on sait aussi qu’il n’en mourut pas.
    — Les mauvaises langues racontent que c’est pour paraître sémillant qu’il s’entoure partout d’une cohorte de maîtresses alors que, n’étant pas un foudre de guerre, il ne peut toutes les satisfaire, continue madame de Vaisnes.
    En tout cas, à défaut du fortiter du fond d’alcôve, ces dames pouvaient au moins être sous le charme de sa conversation.
    Ce qui n’était pas la moindre des

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