Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
Vom Netzwerk:
s’articulant à un donjon coiffé d’un dôme d’ardoise. On y compte, dit-on, vingt-cinq appartements de maître...
    — Alors, il vous convient ?
    — C’est un domaine de près de 20 000 hectares, moitié bruyère et landes, moitié bois... aussi monsieur de Lucay, le propriétaire actuel, en veut-il une fortune. Je crois donc, hélas ! que je ne suis pas assez riche pour supporter cette dépense : 1 600 000 francs, c’est énorme !
    Il mentait, évidemment. Depuis trois années qu’il touchait des pots-de-vin. Et rien que des grands crus !
    — Je verserai la différence !
    Et ce qui fut dit fut fait.
    — L’argent, a dit un mémorialiste, était le dieu de monsieur de Talleyrand, et si ce dieu avait eu des évêques à son service, jamais monsieur de Talleyrand ne se fût fait relever de ses voeux.
    — Quand Monsieur de Talleyrand n’intrigue pas, il trafique, constatera Chateaubriand un brin fielleux.
    La vengeance étant un plat qui se mange froid, quelques années plus tard, quand on fera allusion, devant lui, à la surdité de Chateaubriand vieillissant, Charles Maurice observera :
    — Bah ! Le cher René se croit sourd depuis qu’il n’entend plus parler de lui.
    Au chapitre des mots d’esprit, des saillies, des reparties à l’emporte-pièce, il ne fallait pas jouer à qui serait le plus fort quand on se confrontait à Courtalon.
    Un soir, par exemple, dans les couloirs d’un théâtre où il est sans doute venu applaudir la fameuse mademoiselle Georges – la belle Georgina du Consul –, si un inconnu le toise avec une curiosité à peine polie, il lui demande sèchement :
    — De quoi s’agit-il ?
    — Eh bien quoi ? répond l’autre. Cela vous dérange ! Un chien peut bien regarder un évêque.
    — Ah ! ça par exemple, et comment savez-vous que je suis évêque ?
    À l’ancien directeur La Revellière-Lépeaux, qui lui confiait un jour qu’il rêvait d’instaurer une nouvelle religion et qui l’interrogeait sur la méthode qu’il convenait d’employer, il répondit ironiquement :
    — Je n’ai qu’une chose à vous dire : Jésus, pour fonder le christianisme, a été crucifié. Commencez par le commencement !
    Quand Napoléon se sera couronné empereur, Charles Maurice deviendra grand chambellan de Sa Majesté. En cette qualité, c’est lui qui sera alors tenu d’entendre les serments de ceux qui obtiendront une charge à la Cour. Ainsi recevra-t-il un jour une jeune femme appelée à servir le ménage impérial, une personne fort élégamment vêtue, certes, mais d’une façon un peu trop leste à son goût.
    — Hum, soupirera-t-il, voici, madame, une jupe bien courte pour un serment de fidélité.
    Cela lui allait bien de se faire l’avocat de la fidélité, lui qui, comme il fallait s’y attendre, ne tarda pas à tromper Kelly son ex-maîtresse.
    Et l’empereur son maître.
    — Que voulez-vous, se résignait la marquise de la Tour du Pin, on avait beau être armé de toutes pièces contre son immoralité, sa conduite, sa vie, contre tout ce qu’on lui reprochait, enfin, il vous séduisait quand même, comme l’oiseau qui est fasciné par le regard du serpent.
     
    Entre-temps, c’est-à-dire avant que Bonaparte ne devienne Napoléon et Charles Maurice prince de Bénévent, la Louisiane avait été vendue aux États-Unis et le duc d’Enghien était mort dans les fossés de Vincennes.
    En qualité de ministre des Affaires étrangères et parce qu’il connaissait bien l’Amérique et les Américains, Talleyrand avait été chargé de négocier la vente de la Louisiane. Avec Thomas Jefferson.
    — Je vous offre cinquante millions de francs pour La Nouvelle-Orléans, lui dit le président.
    — Pourquoi seulement La Nouvelle-Orléans ? Pourquoi pas toute la Louisiane ? s’était étonné Charles Maurice.
    — Eh bien, c’est entendu. Et je vous prends le tout pour quatre-vingts millions !
    Soit trente millions d’euros ou vingt-cinq tonnes d’or fin ! Une somme qui représentait alors les trois quarts de la dette publique des États-Unis et qui ne parvint dans les caisses du Consulat qu’après avoir été écornée de cinq à six millions de francs.
    Pour les frais des négociations, sans doute.
    Et ces petits millions-là arrivaient à point nommé puisque c’était l’époque où Charles Maurice se préparait à acheter le château de Valençay...
    Cela étant, on peut dire que dans cette affaire-là, même

Weitere Kostenlose Bücher