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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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services aujourd’hui est nécessairement mon ennemi !
    Puis, se tournant vers un huissier, il hurla :
    — Faites entrer monsieur de Bassano !
    Si Hugues Bernard Maret, duc de Bassano et fidèle factotum de l’Empereur, eut fait irruption à cet instant, Talleyrand aurait assurément pris le chemin du donjon de Vincennes. Aux arrêts de rigueur ! Mais Bassano demeura introuvable et Napoléon s’apaisa.
    — Rentrez chez vous !
    De retour à Saint-Florentin, il s’empressa de demander à son fidèle valet Courtiade de brûler quelques liasses de papiers qui risquaient de le compromettre.
    Puis il s’en alla se blottir chez la duchesse de Courlande, sa confidente.
    — Que faut-il penser de ce souverain qui offre à son ennemi les pleins pouvoirs ou la potence ? lui demanda-t-il.
    Pour toute réponse elle lui prit tendrement la main et lui sourit. Il la savait complice, elle était « son ange » et pour le moment cela suffisait à son bonheur.
     
    Deux mois et demi plus tard les cosaques étaient à Paris !
    Entre-temps, après avoir balancé entre la régence de Marie-Louise – puisqu’il existait un Aiglon ! – et le retour des Bourbons, Charles Maurice avait fini par se rallier à Aimée de Coigny.
    Elle était venue lui demander audience quand le canon commençait de tonner du côté de Romainville et de Pantin, elle s’était jetée à son cou, lui avait plaqué un de ces gros baisers mouillés dont elle avait le secret et lui avait lancé :
    — Monsieur de Talleyrand, vous devez sauver la liberté de notre pauvre pays en lui donnant le seul moyen pour lui d’être heureux avec un gros roi faible qui sera bien forcé de donner et d’exécuter de bonnes lois.
    Elle était convaincue que le frère cadet de Louis XVI, le plantureux Provence, était le seul habilité à ramasser la Couronne. Ce n’était pas la première fois, d’ailleurs, qu’elle essayait d’entraîner son vieux complice sur la voie de la Restauration. L’un et l’autre avaient déjà souvent tiré de nombreux plans sur la comète.
    Cette comète impériale qui s’effilochait.
    — Pourquoi pas, lui avait-il répondu en souriant devant tant d’enthousiasme, mais je crains un peu, comme le dit monsieur de Chateaubriand, qu’après vingt ans d’émigration les Bourbons ne soient pas plus connus en France que l’empereur de Chine, et je dois vous dire qu’autant je m’accommoderai sans doute avec le comte d’Artois que j’ai bien connu autrefois, autant avec son frère... Voyez-vous, je ne veux pas m’exposer à un pardon ou avoir à me justifier...
    En réalité il redoutait ce que l’on appelle aujourd’hui la chasse aux sorcières.
    Et dans le même temps il incitait l’Impératrice à rester à Paris. Elle seule, grâce à son père l’empereur d’Autriche, pouvait éviter les exactions des armées ennemies, prétendait-il.
    On le lui reprochera, le moment venu.
    — Bah, dira-t-il alors, je savais que Marie-Louise se défiait de moi et que si je conseillais le départ, elle resterait. J’ai donc été pour qu’elle restât afin qu’elle partît.
    L’art consommé du double jeu !
    — La parole n’a été donnée à l’homme que pour déguiser sa pensée, affirmait-il.
    Le 31 mars, à l’heure où les cosaques arrivaient au faubourg Saint-Martin, il prenait son petit déjeuner au lit – deux ou trois oeufs, un fruit et un verre d’eau teintée de madère – à côté de la petite Charlotte qui illuminait son réveil.
    Elle avait bien du mérite, la jeune Charlotte de Bourbon-l’Archambault, d’aller réveiller son père (adoptif ?) sur le coup de dix ou onze heures de tous les matins que Dieu faisait. Car autant il raisonnait en homme d’une étonnante modernité, autant son sommeil était moyenâgeux.
    Son lit, d’abord. Il était calfeutré sous d’épais rideaux, le matelas était profondément creusé en son milieu et franchement relevé du côté de la tête et vers les pieds. Ainsi était-il sûr de n’en pas tomber et de ne pas se retrouver, en cas de cauchemar, tout frissonnant sur la carpette. Mais comment aurait-il pu grelotter, d’ailleurs, puisqu’il était vêtu d’un nombre incroyable de caleçons, de flanelles et de gilets, le tout étant enfoui sous une chemise de nuit de taffetas et qu’il se couvrait le crâne d’une succession de quatorze bonnets de coton recouverte d’une espèce de « tiare en percale serrée d’un ruban de couleur pâle »,

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