Talleyrand, les beautés du diable
carte blanche pour l’organisation d’un nouveau gouvernement dans lequel figurerait, entre autres, Moreau, Carnot et Augereau.
Et cela avait failli réussir ! Aidé des généraux Guidal et La Horie, il avait bientôt réussi à se rendre maître des trois quarts de la capitale !
Mais il manqua le quatrième.
Arrêté, il eut la grande dignité de prendre sur lui toute la responsabilité du complot.
— Il n’y a qu’un coupable, c’est moi ! lança-t-il au président du tribunal.
— Mais alors, Malet, quels sont vos complices ?
— La France entière et vous-même, monsieur le président, si j’avais réussi.
À la suite de quoi il fut exécuté en plaine de Grenelle. En compagnie de Victor Fanneau de La Horie qui n’était autre que le parrain de Victor Hugo.
— Le gouvernement n’est donc pas inébranlable, en avait conclu la chère Aimée. Puisque son armée a été battue en Russie et que sa police n’est pas infaillible, on peut donc mettre sa puissance civile et militaire en déroute.
— Je partage entièrement votre sentiment, lui répondit le marquis Bruno de Boisgelin qui était alors du dernier bien avec elle, mais il faudrait quelque chose de savamment combiné, de fort, de neuf. Le mieux serait sans doute que nous rétablissions la France en royaume et que nous rappelions Monsieur, frère du feu roi Louis XVI, sur le trône.
— Je crois connaître l’homme qui pourrait nous aider, se dit alors Aimée.
Cet homme-là, elle l’avait intimement connu et il n’est pas dit qu’elle ne lui accordait pas encore quelques quarts d’heure d’alcôve.
— Soit, lui répondit Talleyrand – car c’était à lui qu’elle faisait allusion –, mais après la chute de Napoléon, il conviendra de travailler avec d’anciens libéraux ralliés à l’Empire, il faut que nous choisissions des ministres opposés à la tyrannie.
Il songeait déjà à Joseph Garat, par exemple, qui avait tout connu, les États généraux de 1789, qui avait succédé à Danton au ministère de la Justice, qui avait été nommé à l’Intérieur en 1793, élu membre du conseil des Anciens trois ans plus tard, puis fait sénateur et comte d’Empire. Il songeait également à Sieyès, un autre grand de 1789 qui avait également survécu à tous les régimes et dont il connaissait la modération bien qu’il eût en son temps voté la mort de Louis XVI. Il songeait enfin à son ami le baron de Vitrolles, et à Dalberg, qui avait si habilement négocié le second mariage de l’Empereur et qui était devenu son compagnon nocturne autour des tables de whist. À force de taper le carton avec Talleyrand, le duc de Dalberg avait en effet fini par le connaître singulièrement.
— Cet homme est un singe, avait-il déclaré un jour à Vitrolles, il ne risquerait pas de se brûler le bout de sa patte, lors même que les marrons seraient pour lui tout seul.
Pousser Napoléon au bas de son trône bancal et trouver des ministres pour constituer un nouveau gouvernement ? Charles Maurice en était même venu à songer à Fouché. Il le détestait, certes, mais il le savait indispensable, ce brillant policier qui avait un jour déclaré :
— Je suis étonné qu’il ne se trouve pas un Jacques Clément pour nous débarrasser du Corse, comme l’autre moine a débarrassé la France de Henri III.
— Que voulez-vous, mon cher, lui avait rétorqué Charles Maurice, la religion se perd...
Terrible Fouché qui, le 19 mars de 1815, dans la panique générale, quelques heures avant que l’Empereur ne se réinstalle aux Tuileries pour cent jours, conseillera cyniquement à son entourage :
— Il arrive de l’île d’Elbe, il va être aussi excité qu’un soir de bataille, il va lui falloir tout de suite une femme. Trouvez-en donc une qui soit vérolée !
Mais avant de revenir de ce « carré de choux » que sera l’île d’Elbe, Napoléon avait connu sa terrible retraite de Russie et il était rentré à Paris, le 18 décembre de 1812.
Secrètement et à bride abattue puisqu’on le croyait encore en Pologne.
Et Charles Maurice avait été un des premiers à être informé de son retour. Grâce à Dorothée, sa nièce, qui était alors de service auprès de l’Impératrice. Ce jour-là, l’épouse d’Edmond se trouvait en effet dans l’antichambre de Marie-Louise. Elle y lanternait, attendant un ordre de sa maîtresse. Et puis deux hommes avaient fait irruption, couverts d’épaisses
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