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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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hymnes à la gloire de la pieuse famille des Bourbons ». En la voyant ainsi toute fagotée de blanc et agitant vigoureusement un drapeau de la même couleur pour assurer la propagande de son mari, Chateaubriand n’en crut pas ses yeux.
    — Il est vrai, disait une mauvaise langue du temps, que le cher René ne comprenait pas que l’on fût royaliste si l’on n’était pas émigré ou guillotiné.
    Pendant que Kelly se console de ses défuntes amours espagnoles en criant à pleine et lourde poitrine dans les rues de la capitale, quand il ne travaille pas à la succession de l’Empereur en qualité de chef du gouvernement, de son côté, Charles Maurice se surprend à constater avec bonheur et délectation que Dorothée II, la fille de Dorothée I de Courlande, est devenue un délicieux petit brin de femme.
    Et que ce petit brin-là le trouble.
    Il faut dire qu’elle avait bien changé depuis son mariage avec Edmond, cinq ans plus tôt. Aujourd’hui, arrivé dans sa vingt et unième année et la maternité aidant, le « petit pruneau » s’était gorgé de suc, la gamine sèche et réservée s’était en effet complètement métamorphosée.
    Le comte Louis de Narbonne-Lara, vieux complice de Charles Maurice, depuis toujours ou presque, n’avait d’ailleurs pas été sans le remarquer. Mais le jour où il avait annoncé à son ami que son intention était de compter fleurette à sa nièce, il s’était vu décourager pour le compte.
    — Calme, Narbonne ! Madame de Périgord est trop jeune pour te comprendre et trop allemande pour t’apprécier, lui avait alors répliqué le sémillant boiteux.
    Jusqu’à présent, il n’avait jamais manifesté le plus petit signe de jalousie et il avait même été volontiers prêteur, mais dès le printemps de 1814 il indiquait clairement que sa nièce était intouchable, sa chasse gardée.
    On l’aurait donc changé ?
    L’âge, sans doute, s’en était chargé. Il venait en effet de prendre soixante ans le 2 février, et au début du XIX e siècle, quand on était sexagénaire on était déjà un vieillard.
    Le 10 avril, la veille du jour de l’abdication de Fontainebleau, Dorothée apparaissait officiellement sous les feux de l’hôtel Saint-Florentin. Elle était seule, alors, car son Edmond de mari était gardé prisonnier par les Alliés. Ce qui ne la contrariait pas outre-mesure puisqu’elle ne l’aimait pas. Elle lui avait donné un fils, Napoléon-Louis, comme ça, parce qu’il le fallait bien, mais ce garçon-là n’était assurément pas un enfant de l’amour.
    Charles Maurice, qui méprise maintenant totalement Kelly la plantureuse, a chargé Dorothée de jouer les maîtresses de maison et de présider un de ces grands dîners dont il avait le secret et qui réjouissaient tant les papilles de ses amis.
    Il est vrai qu’avec un Carême aux fourneaux il aurait été malvenu de faire la fine bouche...
    Il est également vrai que l’hôtel de la rue Saint-Florentin ne désemplissait pas puisqu’il était devenu comme le siège du gouvernement provisoire, qu’on s’y agitait des combles à l’entresol, que le tsar lui-même en avait fait une manière de quartier général et qu’une poignée d’hommes du président s’acharnait à rédiger dans les meilleurs délais la Constitution du nouveau régime.
    Dans les meilleurs délais, c’est-à-dire avant l’arrivée de Louis XVIII.
    Qui lambine à Hartwell, qui se fait désirer comme une vedette, le gros podagre madré.
    La preuve en est que le 23 avril il n’est toujours pas là et que Charles Maurice doit assumer la responsabilité de l’armistice, la France devant livrer aux Alliés toutes les places et les ports situés hors des frontières de 1791.
    À cette occasion, la colère de madame de Staël fut terrible. Elle avait un vieux compte à régler avec son amant de jeunesse, elle n’oublia pas les intérêts. Elle hurla, Germaine la trapue, elle vitupéra !
    — Vous avez vendu le Consulat ! Vous avez vendu l’Empire, l’Empereur ! Vous vendez la Restauration ! Vous avez tout vendu et ne cesserez de tout vendre jusqu’à votre dernier jour ! Vous vendez les Bourbons aux Alliés et vous vendez les Alliés aux Bourbons !
    Et si Charles Maurice se risque à l’interrompre en lui laissant entendre qu’elle se trompe, que la France partage son opinion sur l’armistice, la terrible fille de Necker lui assène une nouvelle volée de bois vert.
    — Que me parlez-vous

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