Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
Vom Netzwerk:
selon monsieur de Rémusat !
    Quand il se levait, il ressemblait à un gros paquet de molleton.
    — Oui, continue Rémusat qui n’en croit pas ses yeux, après qu’un valet lui eut déplié doucement et respectueusement la tiare et fait tomber les bonnets, après qu’on l’eut enveloppé dans un peignoir de mousseline plissée et gaufrée, il s’agissait de procéder à la toilette de son abondante chevelure qu’il livrait à deux coiffeurs qui se mettaient à s’escrimer à l’envi, et terminaient par cet ensemble de cheveux flottants que chacun connaît. Venait ensuite le tour du barbier-étuviste et de l’arrachage des poils du nez. La toilette de la tête et des mains achevée, on passait alors à celle des pieds...
    Espérons, malgré tout, que lorsqu’il passait la nuit au creux de quelques bras câlins il évitait de s’affubler aussi grotesquement, et qu’il ne conviait pas ses conquêtes nocturnes à assister à ses horribles ablutions matinales.
    Car c’était réellement abominable !
    Surtout quand il en venait à tremper son pied bot dans une bassine emplie d’une eau de Barèges particulièrement nauséabonde ! Ce pied qui était plus proche du sabot d’un cheval que de la patte d’un singe ! Ensuite, à l’abri des courants d’air, il se faisait asperger d’eau de Cologne et il se rinçait la bouche et le nez en procédant à des gargarismes qui auraient été susceptibles de donner une franche nausée au plus aguerri des pieds marins.
    Restait à lui passer son « rembourrage de jour », à savoir deux caleçons, deux paires de bas, une chemise, une culotte et un gilet.
    Pour en finir, ou presque, il convenait de lui harnacher délicatement sa chaussure orthopédique en serrant comme il convenait sous le genou l’anneau de cuir qui maintenait l’armature métallique arrimée à son soulier.
    La cravate étant fort galamment nouée et les joues copieusement poudrées, Charles Maurice pouvait alors s’emparer de sa canne, en frapper trois coups et faire son entrée en scène.
    La grande scène du 31 mars de 1814 !
    Il s’était levé plus tôt qu’à son habitude, ce jour-là. Pas suffisamment, cependant, pour n’être pas surpris en pleine toilette par le comte de Nesselrode. Courtiade en était à l’oindre d’onguents, le poudrer et l’asperger de senteurs quand il se leva brusquement pour aller saluer son visiteur. Tout empêtré dans les serviettes et les peignoirs, il faillit alors s’effondrer dans le bras de l’émissaire du tsar Alexandre I er .
    Qui se retrouva subitement étouffé dans un nuage de poudre et inondé de patchouli.
    Ce matin-là, le dernier chic aurait été évidemment « Cuir de Russie » !
    Après s’être gratté la gorge et avoir épousseté son uniforme, Karl Robert Nesselrode expliqua à Charles Maurice ce que le tsar espérait de lui : qu’il rédigeât une proclamation à l’intention des Parisiens pour leur annoncer l’arrivée imminente des armées alliées. Talleyrand fit appeler ses amis Dalberg, Pradt, le baron Louis et son secrétaire, Roux de Laborie.
    — Au travail, messieurs !
    En réalité, le document fut très vite bouclé. Pour cette bonne raison qu’il avait déjà été mitonné, la veille, avant l’arrivée du ministre russe.
    Et quelques heures plus tard, Alexandre faisait son entrée chez l’ex-vice-Grand Électeur où il acceptait de parapher le document. À la plus grande joie de Charles Maurice qui avait composé un texte apaisant dans lequel il était parvenu à glisser une phrase qui précisait bien que « les Alliés respecteraient l’intégrité de la France et qu’ils pourraient même faire plus parce qu’ils professeraient toujours le principe que pour le bonheur de l’Europe, il fallait que la France fût grande et forte ».
    Évidemment, au fil de la plume de Laborie, il était aussi bien stipulé que « les Souverains ne traiteraient plus avec Napoléon Bonaparte, ni avec aucun membre de sa famille ».
    — En vérité, quand je suis entré dans Paris, je n’avais aucune idée fixe, confiera Alexandre. Je m’en suis rapporté à monsieur de Talleyrand : il tenait Napoléon dans une main et les Bourbons dans l’autre. Il a ouvert la main qu’il a voulue.
    Les Bourbons, le retour !
    Dès le lendemain – et le hasard a fait que ce lendemain-là fût un 1 er  avril, le jour des mystifications par excellence – les murs de Paris s’étaient couverts de placards qui

Weitere Kostenlose Bücher