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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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moi !
    — Je n’avais pas besoin, Sire, d’un pareil avertissement pour adresser au ciel des voeux bien ardents pour la conservation des jours de Votre Majesté.
    Les traits de Napoléon s’étaient contractés de dépit. Pour un peu il aurait craché au visage de son interlocuteur qui n’était plus à ses yeux qu’un prêtre défroqué et un scélérat.
    Dans quelques mois, quand il tournera en rond sur son île d’Elbe, comme un ours en cage, l’Empereur songera :
    — Si j’avais fait pendre deux hommes, Talleyrand et Fouché, je serais encore sur le trône.
    On se console comme on peut...
    L’île d’Elbe ! Elle se profile maintenant à son horizon.
    Les premiers feux d’artifice de la campagne d’Allemagne de 1813 ont beau avoir éclairé un instant son ciel, le bouquet final, qui sera tiré le 18 octobre à Leipzig, illuminera les visages des Autrichiens, des Prussiens et des Russes.
    Après Leipzig, la bataille des nations, on valsera à Vienne ; à Moscou on grattera fougueusement les balalaïkas ; on sonnera la trompette à Berlin et on y chantera en canon.
    On marchera funèbrement à Paris.
    Paris où l’Empereur est rentré dans la soirée du 9 novembre.
    C’est le lendemain ou le surlendemain que madame de La Tour du Pin, avec qui Charles Maurice avait sympathisé autrefois aux États-Unis, fut reçue à l’hôtel Saint-Florentin. Elle a raconté sa visite chez l’homme qu’elle admirait mais n’estimait pas dans ses Mémoires d’une femme de cinquante ans  :
    — Vous avez vu l’Empereur ? Comment est-il ? Que fait-il ? Que dit-il après une telle défaite ?
    — Oh ! laissez-moi tranquille avec votre Empereur. C’est un homme fini.
    — Comment fini ? Que voulez-vous dire ?
    — Il a perdu tout son matériel, il est à bout. Il se cachera bientôt sous un lit.
     
    Les deux hommes se préparent pourtant à jouer quelques nouvelles scènes de leur grande tragi-comédie.
    — Ce qu’il y a de bizarre dans sa conduite à mon égard, raconte Charles Maurice, c’est que, dans le temps même où il était le plus rempli de soupçons sur moi, il cherchait à me rapprocher de lui. Il me demanda encore de reprendre le portefeuille des Affaires étrangères, ce que je refusai nettement, comprenant bien que nous ne pourrions jamais nous entendre sur la seule manière de sortir du dédale dans lequel sa folie l’avait enfermé.
    Quelques jours plus tard, nouvelle convocation. À Saint-Cloud, cette fois. La situation se dégradait en Espagne, la France risquait d’être envahie par le sud-ouest.
    — Qu’en pensez-vous ? demanda l’Empereur.
    — Je pense que vous me consultez comme si nous n’étions pas brouillés, lui répondit le prince du haut de sa cravate, la morgue aux yeux.
    — Ah ! grogna Napoléon, les circonstances, les circonstances ! Laissons le passé et l’avenir et voyons plutôt votre avis sur le moment présent.
    — Puisque vous vous êtes trompé, il ne vous reste qu’un parti à prendre : rendez la liberté au roi Ferdinand et retirez vos troupes ! Vous pouvez vous le permettre, vous êtes encore trop puissant pour que ce soit pris pour une lâcheté.
    Et une poignée de semaines plus tard, les exilés de Madrid quittaient le château de Valençay où Kelly la potelée avait vécu quelques heures exquises.
    Le 1 er janvier de 1814, pour les étrennes de Napoléon, Gebhard-Leberecht Blücher franchit le Rhin à la tête de l’armée prussienne. La campagne de France a commencé.
    Le 16 du même mois, un dimanche, à la sortie de la messe, l’Empereur se jette littéralement sur Charles Maurice et l’empoigne au jabot.
    — Suivez-moi ! dit-il en brandissant bientôt un poing sous le menton de son vice-Grand Électeur.
    Le suivre ? Non. Le précéder plutôt, puisque Charles Maurice se trouva nerveusement poussé par l’énervé. Au point qu’il fut contraint de marcher à reculons, en boitant, en souffrant comme un damné. Pour un peu il aurait perdu l’équilibre. Mais non, même s’il vacilla un instant, il résista en grimaçant. Napoléon aurait été beaucoup trop heureux de le voir rouler sur le plancher.
    — J’ai besoin de vous ! Vous êtes bien vu des chefs d’État et des diplomates étrangers, je vous donne les pleins pouvoirs pour traiter avec les Alliés.
    Et devant le Diable boiteux transformé en statue de sel, le regard brûlant et les joues livides, il ajouta :
    — Celui qui me refuse ses

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