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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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fourrures qui leur dissimulaient le visage. Cela ne l’avait pas empêchée de les reconnaître. Il s’agissait assurément de Caulaincourt et de Napoléon lui-même. Alors, vite ! Elle s’était aussitôt précipitée sur une écritoire et avait rédigé un petit billet qu’elle avait fait porter à l’hôtel Saint-Florentin pour que son oncle fût parmi les premiers informés.
    Et qu’il prît ses dispositions au cas où...
    Car il était évident que la colère de Napoléon pouvait être terrible à la suite du « coup d’État d’opérette » tenté par le malheureux général Malet. L’Empereur en avait d’ailleurs été plus ébranlé qu’on n’aurait pu l’imaginer. Ainsi donc, on avait cessé de le croire invulnérable ! Ainsi, on se mettait à conspirer ! Ainsi donc, on semblait tout disposé à balayer cette dynastie qu’il avait assurée en « épousant un ventre » ! Dans ces conditions, il était vraiment grand temps de reprendre les choses en main.
    En commençant par convoquer Talleyrand, par exemple, ne fût-ce que pour lui demander son avis. Bien que le détestant, Napoléon ne pouvait se passer de lui. Il s’agissait entre eux d’une manière de « je t’aime, moi non plus ».
    — Vous allez disant partout qu’il faut faire la paix, lui lance l’Empereur, mais comment la faire ?
    — Votre Majesté a encore en main des gages qu’elle peut abandonner, demain, elle pourra les avoir perdus et alors la faculté de négocier sera perdue elle aussi.
    Non ! Qu’on lui demande de tirer un trait sur la Hollande, les États romains, la Toscane, le Piémont, sur le duché de Varsovie et les villes hanséatiques, il n’en était pas question ! De même qu’il n’était pas à l’ordre du jour de réviser son droit à la médiation sur les cantons suisses et sur la Confédération du Rhin ! Allons, à ce rythme-là, pourquoi ne lui réclamerait-on pas la Corse et l’Île-de-France ?
    — Si le tsar souhaite élargir ses frontières, je lui concède volontiers la Lituanie, l’Ukraine, la Podolie et la Volhynie. Vous voyez bien que je fais preuve de bonne volonté !
    Ou d’humour ?
    Car Napoléon n’ignorait évidemment pas qu’avant lui tous ces territoires appartenaient à Alexandre.
    — Revenons simplement au traité de Lunéville. Gardons à la France les frontières que la Monarchie et la Révolution lui ont données, répliqua calmement Talleyrand.
    — Vous voulez donc me trahir, s’énerva l’Empereur qui n’ignorait pourtant pas que sa Grande Armée n’était plus composée que de débris. Et si je vous proposais de reprendre votre portefeuille des Relations extérieures ?
    — Je ne connais plus rien à vos affaires, répondit sèchement Charles Maurice, et si je les connaissais, je les croirais en contradiction avec ma manière d’envisager la gloire et le bonheur de mon pays.
    Il fallait oser !
    Il l’a fait.
    — Je vous connais, s’énerva Napoléon, je sais de quoi vous êtes capable... je vous ferai punir comme vous le méritez.
    Des témoins – dont Savary, duc de Rovigo et ministre de la Police – ont affirmé qu’en quittant le cabinet impérial le Diable boiteux était encore plus pâle qu’à son ordinaire et qu’il laissa tomber avec désinvolture ces quelques mots aux plantons raidis qui encadraient la double porte :
    — L’Empereur est charmant ce matin.
    Puis il fit courir son carrosse jusqu’au château de Saint-Germain pour aller se changer les idées dans les salons de madame de Courlande et raconter à sa douce amie comment il venait de refuser la main tendue par l’Empereur. Parce que celui-ci lui était apparu dérangé, parce qu’il lui avait semblé que la folie des grandeurs commençait de le miner dangereusement.
    Si Freud eût existé, peut-être même aurait-il diagnostiqué une manière de psychose maniaco-dépressive.
    Talleyrand prenait maintenant un malin plaisir à exaspérer le maître des Tuileries. Un matin, plus nerveux et surexcitable que jamais, l’Empereur l’interpelle.
    — Restez, j’ai quelque chose à vous dire !
    Tout cravaté de flegme et de mystère, Charles Maurice ne bronche pas.
    — Que venez-vous faire ici ? Me montrer votre ingratitude ? Vous affectez d’être d’un parti d’opposition ? Vous croyez peut-être que si je venais à manquer, vous seriez chef d’un conseil de régence ? Si j’étais malade dangereusement, je vous le déclare, vous seriez mort avant

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