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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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celle-ci en lui racontant les
propos peu flatteurs qui circulaient sur son compte à Kurtuba. Le wali était
décrit comme un escroc et comme un incapable. On l’accusait même d’entretenir
autour de lui une cohorte de jeunes esclaves mâles dont il abusait pour
assouvir ses sens débridés. Voilà qui était de trop et le wali explosa :
    — Je ne me laisserai pas
insulter par ce maudit émir et sa clique de Syriens efféminés qui me chargent
de leurs propres fautes. J’ai supporté bien des avanies, mais mon honneur
m’interdit d’en tolérer davantage.
    — Je te comprends, fit Abu
I-Aswad. Tant qu’Abd al-Rahman régnera, aucun Arabe digne de ce nom ne vivra en
sécurité. Il protège les Juifs et les Berbères au vu et au su de tous et ces
derniers lui dictent sa conduite. L’heure de la révolte est arrivée.
    — Tout doux, tout doux, mon ami.
Ai-je besoin de te signaler qu’il a écrasé dans des fleuves de sang toutes les
insurrections qui ont éclaté ? Dois-je te rappeler la triste fin de ton
père et de son compagnon, al-Sumayl ?
    — Le sang appelle le sang et je
suis prêt à tout pour en finir avec ce chien !
    — Tu oublies que nous ne
pouvons guère compter sur les Musulmans de ce pays. Les uns sont terrorisés,
les autres se voient attribuer, pour prix de leur fidélité, d’immenses domaines
et des captifs par centaines.
    — Rien ne nous interdit, fit
Abu I-Aswad, de nous tourner vers nos voisins de l’Ifrandja.
    — Songes-tu sérieusement à une
alliance avec les Nazaréens ? Aucun Musulman digne de ce nom n’oserait
faire appel à ces chiens d’Infidèles pour combattre ses propres frères.
    — Quels autres alliés peux-tu
trouver ? Les Chrétiens qui vivent dans les montagnes du Nord ne disposent
pas de forces suffisantes pour nous aider. De plus, leur roi, Aurelio, a
reconduit pour dix ans la trêve que son prédécesseur avait signée avec Abd
al-Rahman. Il n’y a rien à attendre d’eux.
    — Encore moins de leurs
coreligionnaires de Sarakusta, de vrais moutons qui paient docilement leurs
impôts et obéissent à des prêtres qui leur prêchent la soumission à l’émir.
    — C’est bien pour cela,
Suleïman, que nous devons nous tourner vers l’Ifrandja où nos armées semèrent
jadis la terreur avant d’être défaites à la bataille de la Chaussée des martyrs
pour la foi. Son roi, Charles, est un homme avisé ainsi qu’un valeureux
guerrier. Il ne cesse d’étendre ses domaines, année après année, et je sais de
source sûre qu’il est en contact avec le calife de Bagdad. Tous deux ont un
ennemi commun : les Byzantins.
    — Pour quelle raison
viendrait-il à notre secours ?
    — Parce que nous le supplierons
de nous délivrer du joug d’Abd al-Rahman.
    — À sa place, objecta le wali,
je ne me lancerais pas dans cette expédition ou, si je le faisais, ce serait
pour nous chasser de Sarakusta comme son père a expulsé les nôtres de Narbuna
et des autres villes où le très saint nom d’Allah était invoqué cinq fois par
jour.
    — Il suffit de négocier avec
lui un traité où les deux parties trouveront chacune leur avantage.
    — Il n’y a pas d’accord
possible avec les Nazaréens.
    — Tu te trompes, gouverneur.
Charles a plusieurs fils et, à sa mort, il devra partager son royaume entre
eux. Celui qui recevra le Sud de l’Ifrandja pourrait se sentir lésé si nous
faisions peser sur ses terres une menace constante. Par contre, si l’entente
règne entre nous, il héritera de la partie la plus agréable et la plus riche de
l’Ifrandja. Nous avons déjà en lui un allié potentiel.
    — Tu parles comme s’il était
informé de tes projets.
    — Ce n’est pas impossible, se
contenta d’affirmer Abu I-Aswad.
    — Continue.
    — Charles est un souverain
avisé, mais il a vu trop grand. Il faut plusieurs mois pour se rendre de
Narbuna aux confins les plus éloignés de ses domaines, là où vivent des hommes
qu’on appelle les Saxons et qui refusent d’accepter son autorité et sa
religion. Tu sais ce que valent ces guerriers. Beaucoup nous ont été vendus par
les marchands juifs d’esclaves et servent dans l’armée d’Abd al-Rahman comme
dans tes propres troupes. J’en ai aperçu quelques-uns en faction dans ton
palais.
    — Pour un ancien aveugle, tu es
bon observateur !
    — Les révoltes en Saxe limitent
les possibilités d’intervention de Charles. Il ne pourra venir qu’avec un
nombre restreint

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