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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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conserver ses domaines italiens, avait
agi de même, causant de la sorte le pillage des environs de Rome par des
cavaliers arborant l’étendard d’Allah. Si des Chrétiens du Nord avaient fait
appel à Abd al-Rahman pour les aider à renverser leur chef, Fruela, ou son
successeur Aurelio, l’émir aurait pesé le pour et le contre, mais n’aurait pas
opposé un refus de principe.
    Ce qui se passa à Sarakusta était
d’une autre nature. Être nommé wali de cette ville était un privilège très
recherché. La région étant riche et fertile, son gouverneur était assuré de
faire fortune en quelques années. Elle était, de surcroît, très éloignée de
Kurtuba et les fonctionnaires du gouvernement central, effrayés à l’idée d’effectuer
un long voyage, s’y rendaient en inspection très rarement et y passaient le
moins de temps possible tant il leur tardait de retrouver leurs maisons
spacieuses édifiées sur les berges du fleuve. Les Musulmans étaient peu
nombreux de même que les muwalladun. C’était le résultat d’une politique
délibérée des différents gouverneurs qui s’ingéniaient à décourager les
prosélytes, à la grande fureur des cadis locaux. Un Musulman de plus cela
faisait un dhimmi de moins, donc une diminution du montant de la djizziya et du
kharadj. Le clergé nazaréen avait su tirer profit de cette situation. Moines et
prêtres fulminaient en toute liberté contre la vraie foi et avaient reçu des
autorités des pouvoirs exorbitants qui leur permettaient de contrôler
étroitement leurs fidèles et d’exercer sur ceux qu’ils soupçonnaient de vouloir
apostasier des pressions très efficaces. Deux jeunes garçons, qui se trouvaient
dans ce cas, avaient ainsi été dénoncés à leurs parents et envoyés en Ifrandja
pour y finir leurs jours derrière les murs d’un monastère.
    À l’époque où ce triste scandale
éclata [56] ,
Sarakusta avait pour gouverneur Suleïman Ibn Yakzan Ibn al-Arabi, un aventurier
sans scrupule dont la cupidité ne paraissait pas avoir de bornes. Bien à l’abri
derrière les murailles de la citadelle, il y menait une vie très luxueuse, les
fêtes succédant aux fêtes. Il était entouré de parasites chargés d’espionner la
population qui semaient la terreur en ville. Ceux qui refusaient de leur verser
de l’argent étaient dénoncés comme traîtres, emprisonnés et torturés jusqu’à ce
que leurs familles acceptent de payer la rançon exigée.
    La situation avait empiré avec
l’arrivée à Sarakusta d’un mystérieux personnage venu d’Ifriqiya, Abd al-Rahman
Ibn Habib Ibn Fihri. Véritable géant, cet individu prétendait appartenir à un
clan yéménite très influent à la cour de Kairouan et qui affectait de mépriser
tous ceux qui n’étaient pas de véritables Arabes. La peau blanche, les yeux
bleus et les cheveux roux, il ressemblait pourtant davantage à un affranchi ou
au fils d’un esclave slave amené par des marchands juifs à Kairouan. Le petit
peuple l’avait surnommé en secret al-Siklabi, l’Esclavon, mais tremblait de
peur dès qu’il s’aventurait dans les rues.
    Le wali n’était pas dupe de ses
mensonges éhontés mais avait préféré en faire l’un de ses principaux
conseillers. Une brute pareille ne pouvait que lui rendre des services et,
vérification faite, l’Esclavon disposait de solides appuis dans la capitale de
l’Ifriqiya d’où venaient désormais de nombreux commerçants. C’était une
véritable aubaine pour les riches de la ville qui avaient enfin accès aux
produits de luxe réservés jusque-là aux habitants de Kurtuba. Une frénésie de
coquetterie s’empara des femmes de Sarakusta qui achetaient soieries et parfums
venus d’Orient. Les taxes provenant de ces transactions commerciales
s’entassaient dans les coffres de Suleïman Ibn Yakzan Ibn al-Arabi qui
n’hésitait pas à se plaindre à son complice quand, durant les longs mois
d’hiver, cette activité lucrative s’arrêtait, les routes étant impraticables.
    Si le wali n’avait pas été aveuglé
par sa cupidité, il aurait remarqué que les marchands de Kairouan se rendaient
dans sa ville en forte compagnie. Des dizaines de serviteurs et de gardes les
accompagnaient à chaque fois. Toutefois, rares, très rares étaient ceux qui
reprenaient le chemin du retour. Ils disparaissaient mystérieusement. Seul Abd
al-Rahman Ibn Habib Ibn Fihri savait ce qu’ils étaient devenus. À la frontière
avec l’Ifrandja, il

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