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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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    — Mon maître a lu avec intérêt
ton rapport. Il s’étonne que tu n’aies pas percé plus tôt le double jeu de
l’Esclavon.
    — C’était impossible. Il était
rusé comme un serpent.
    — J’ai interrogé les habitants
de ta cité. Ils m’ont appris que ce serpent te couvrait de cadeaux que tu te
gardais bien de refuser.
    — C’était pour ne pas éveiller
sa méfiance.
    — Donc, tu le soupçonnais et tu
n’as rien voulu faire.
    — Badr, je me suis mal exprimé.
Grâce à lui, le commerce de Sarakusta était florissant et les marchands, qui
protestent aujourd’hui de leur innocence, auraient violemment réagi si j’avais
interrompu ce trafic.
    — Ce dernier t’enrichissait.
    — Je ne le conteste pas. Mais
les sommes que j’envoyais à Kurtuba augmentaient d’année en année et les
services du fisc étaient plutôt satisfaits. Aucun de leurs employés n’est venu
enquêter sur place à propos de l’origine de ces fonds.
    — Pour ta gouverne, sache que
des sanctions exemplaires ont été prises à l’encontre de leurs chefs, coupables
de ne pas avoir donné l’alerte.
    — Inutile de te perdre en
vaines paroles. La seule raison de ta présence ici est de me communiquer la
sentence rendue à mon égard. Dans quelques instants, tu m’annonceras ma
condamnation à mort et ce au seul motif d’avoir enrichi ton maître.
    — Tu déraisonnes. Abd al-Rahman
a décidé de ne pas te retirer ton poste de wali mais de placer à tes côtés, à
la tête de la garnison, un jeune officier, ai-Hussein Ibn Yahia al-Ansari.
Rassure-toi, il n’empiétera pas sur tes pouvoirs, il sera seulement chargé des
questions militaires car les rescapés des bandes de l’Esclavon risquent fort de
nous donner du fil à retordre.
    Suleïman Ibn Yakzan Ibn al-Arabi
sympathisa plutôt avec son adjoint. Ce dernier, un jeune courtisan dévoré par
l’ambition, ne cachait pas sa colère d’avoir été envoyé à Sarakusta. Sans doute
avait-on ainsi reconnu ses vertus guerrières, mais il pensait qu’il payait sa
qualité de compagnon de beuveries de Suleïman, le fils aîné de l’émir, dont les
excès étaient la risée des Chrétiens de Kurtuba. Son premier souci, en arrivant
dans ses nouvelles fonctions, fut de savoir s’il était facile pour un Musulman
de se procurer les boissons prohibées par la chariah. Il ne cacha pas sa joie
quand des négociants chrétiens lui firent porter discrètement plusieurs
tonneaux du meilleur vin ainsi que de l’hydromel : grâce à eux, il
découvrit aussi cette boisson sucrée dont il devint un grand consommateur. Il
négligea les devoirs de sa tâche pour la plus grande satisfaction des soldats
qui en profitèrent pour ouvrir de modestes échoppes d’artisans ou de marchands
d’étoffes.
    Suleïman Ibn Yakzan Ibn al-Arabi,
lui, ruminait sa vengeance contre Abd al-Rahman. Sa mésaventure avec l’Esclavon
l’avait rendu prudent. Il se méfiait de tous ceux qui sollicitaient de lui une
audience, et il en accordait très rarement. Il fit toutefois une exception
lorsque son fils Ashun lui amena en secret Abu I-Aswad, le seul fils survivant
de l’ancien wali d’Ishbaniyah, al-Fihri. Il avait sauvé sa vie en usant d’une
ruse habile. Affligé dès sa plus tendre enfance d’une mauvaise vue, il avait
fait croire à ses proches que sa maladie avait empiré et qu’il était devenu
aveugle. Un esclave noir l’accompagnait, pour guider ses pas, lorsqu’il se
promenait dans les rues de Kurtuba. Il ne se rendait pas à la mosquée,
prétendant que la foule lui faisait peur. Ému par son sort, Abd al-Rahman lui
avait octroyé une modeste pension et lui avait dépêché, à plusieurs reprises,
des émissaires pour prendre de ses nouvelles. Un jour, il annonça qu’il
comptait se rendre en pèlerinage à La Mecque dans l’espoir que l’eau de la
source miraculeuse de ZemZem lui rendrait la vue.
    Il partit, muni d’un pécule que lui
avait fait remettre l’émir. À al-Munakab, il faussa compagnie aux autres
pèlerins et prit la route de Sarakusta avec son domestique noir, surpris de
constater que son maître avait retrouvé l’usage de ses yeux. La famille de
Suleïman Ibn Yakzan Ibn al-Arabi avait jadis été protégée par le clan al-Fihri
et le gouverneur lui offrit l’hospitalité à condition qu’il demeure reclus dans
ses appartements. Abu I-Aswad ne fut pas long à remarquer que son hôte vouait
une haine farouche à Abd al-Rahman. Il attisa

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