Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Templa Mentis

Templa Mentis

Titel: Templa Mentis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
l’apothicaire, sa générosité, son désespoir, portèrent. Jehan de Brévaux n’aurait jamais abandonné un être dans l’affliction, quels qu’eussent été ses impératifs. Néanmoins, Druon ne put s’empêcher de songer que cette nouvelle histoire macabre allait encore retarder sa quête de vérité.
    1 - Autre nom de l’alouette.

XVI
    Saint-Agnan-sur-Erre, novembre 1306
    S Si les époux Leguet se montrèrent fort affectés par l’affreux décès du père Simonet, ils remplirent leur devoir d’hôtes durant le souper. L’apothicaire leur conta les menus riens survenus dans leur village, brossant des portraits parfois incisifs, mais jamais perfides, de certains habitants. Un détail troubla vite Druon de Brévaux. Leguet mélangeait volontiers noms et dates. Son épouse souriait, rectifiait d’un ton doux, devançait ses incertitudes. L’apothicaire parut lire les pensées du jeune mire.
    Après que Sébille eut remporté les tranchoirs sur lesquels on leur avait servi les truites au vin aigre, il poussa un soupir de consternation avant d’avouer :
    — Jugez de mon encombre ! Fichtre ! Et apothicaire avec cela ! Je n’ai nulle mémoire des noms propres ni des chiffres. Oh, ça, je connais sur le bout des doigts tous les noms et surnoms, latin ou français de toutes les plantes, toutes leurs propriétés, seules ou en mélange, mais j’oublie les prénoms d’enfants de bons voisins. Lourde infirmité pour un homme de ma profession.
    Blandine protesta :
    — Mon doux, vous ne pouvez pas engranger toutes les informations, en plus de votre immense savoir.
    — Votre indulgence envers moi est excessive, mon cœur. (S’adressant à ses invités, il poursuivit :) Aussi, en plus d’être une admirable épouse et une parfaite maîtresse de maison, Blandine s’est-elle transformée en béquillon 1 pour ma mémoire défaillante. Que deviendrais-je sans son aide ? Elle connaît toutes les pesées, proportions de simples ou de poudres. Elle me souffle les setiers 2 , les onces*, les gros*, les scrupules*, les mailles*, bref toutes les recettes de mes onguents, lotions, macérations, teintures 3 et saccharures 4  !
    — J’y trouve beaucoup d’amusement, rit l’intéressée. Cependant, ne vous laissez pas leurrer par les compliments abusifs de mon époux. Il se débrouillait fort bien tout seul avant notre mariage.
    — À ceci près que la moindre préparation me prenait triple temps et qu’il me fallait traîner derrière moi une birouette 5 débordante de bouts de papier sur lesquels étaient reportées pesées et dilutions !

    Druon songea à sa mère, Catherine, décédée peu après sa naissance. Selon son père, il, ou plutôt elle, Héluise, avait hérité de sa beauté. Le mire n’en conservait aucun souvenir, hormis le flatteur portrait brossé par Jehan Fauvel. Le veuf n’avait jamais repris femme, preuve que le trépas de sa douce avait abandonné une plaie ouverte sur son cœur et son âme. Hormis la différence d’âge, Blandine n’étant guère plus vieille que Druon – vingt-cinq ans, tout au plus –, il imaginait que les dîners à la table de ses parents auraient ressemblé à celui-ci. L’évident amour qui liait les époux, leur parfaite complicité étaient palpables.
    Il repoussa la vague de tristesse qui déferlait en lui, comme chaque fois qu’il pensait à sa mère, à son père. Défunts tous deux. Du moins devait-il remercier le ciel d’avoir profité du dernier jusqu’à l’âge adulte. Désireux de chasser ces pénibles pensées, il s’enquit :
    — Parlez-moi du père Simonet, je vous prie, si du moins votre chagrin le permet.
    — Un saint homme, qui aimait ses ouailles. Nous l’avons souvent invité à souper. Il descendait d’une lignée de haut, les Bonneuil. Il avait hérité de la moitié de la ronde fortune familiale et n’hésitait jamais à dépenser quelques deniers personnels pour venir en aide à ceux que la malchance frappait. De vaste érudition, passionné d’angéologie, d’une foi brûlante, il aurait pu aspirer à une prestigieuse reconnaissance au sein de l’Église.
    — Les honneurs ne le tentaient pas ?
    — Il se sentait heureux parmi nous. Et, au fond, je crois que ses recherches l’amusaient bien davantage qu’un diocèse ou même une paroisse plus importante. Père Simonet aimait les gens, parler, expliquer ses avancées savantes auxquels personne ne comprenait goutte, ou presque. Et puis, il vieillissait,

Weitere Kostenlose Bücher