Templa Mentis
l’on rangeait, préparait, dégustait la nourriture attireraient toujours autant le petit ventre-creux du passé.
— Me reste donc la salle d’étude ! conclut le mire.
Les deux autres s’égaillèrent, aussi prestes que des étourneaux.
Bras croisés sur son torse, Druon tourna avec lenteur sur lui-même, s’interrogeant. Quelle « chose » pouvait devenir si précieuse aux yeux de deux êtres qu’ils n’hésitent pas à se sacrifier pour elle ? Garder à l’esprit que l’un était homme de Dieu. Les biens temporels ne les attiraient pas, tous deux vivant plus que modestement, en satisfaction, ainsi que le démontrait la presque pauvreté des lieux. Une seule réponse tournait dans son esprit et s’accommodait de ses déductions : un manuscrit, une lettre, un texte qui ne devait tomber en aucun cas entre mains autres que les leurs.
Il détailla la cheminée. Pas le conduit donc, cache trop évidente. Il s’agenouilla devant l’âtre et souleva les cendres et les tisons carbonisés. Judicieuse idée que de dissimuler un texte dessous, si l’on prenait garde à le récupérer avant le prochain feu. Rien. Nullement déçu par ce premier échec, Druon se releva et essuya ses doigts noirâtres aux pans de son mantel. Il examina les pavés de terre cuite jaune ocre du sol. Aucun qui fut descellé. Il retourna la chaise en vilain bois, dans l’espoir de découvrir « la chose » sous son siège et la reposa. L’escame 9 poussée contre un mur fut ensuite l’objet de son intérêt. Il enfonça son index dans la tapisserie élimée qui la recouvrait, cherchant une surface plus dure, sans succès.
Il entendait Anchier s’activer à l’étage, tirer les meubles, déplacer les ouvrages. À l’évidence, le secrétaire du bailli apportait une fougue toute particulière à sa fouille.
Quelle meilleure cachette qu’un endroit évident, sur lequel le regard tombait sans pour autant qu’on y prête attention ? La table de travail ? Druon s’en approcha et l’examina avec soin. Un bandeau ceinturait le plateau. Druon se fit la réflexion qu’il était bien large pour un meuble de si piètre facture. Il s’accroupit et évalua l’épaisseur du plateau. Environ deux pouces 10 , fichtre ! Un regain d’optimisme le releva. Il palpa les coins du bandeau et enfin, il trouva. Il faufila ses ongles dans le léger interstice du coin de droite et tira. Retenue au coin gauche par une sorte de ressort rudimentaire, la latte de bois s’entrouvrit sans résistance. Un tiroir secret. Druon y enfouit sa main et frôla ce qui évoquait un livre.
Il héla :
— Messire secrétaire, Huguelin, je crois avoir trouvé.
Aussitôt une cavalcade. Ses deux compagnons le rejoignirent comme il récupérait un registre à vieille couverture de toile noire.
— Qu’est-ce ? cria presque Anchier Vieil.
— Nous allons le découvrir, sourit Druon en entrouvrant le volume.
Les lignes étaient noircies de la petite écrite fine, d’une étonnante régularité. Celle de Jean Le Chauve, sans doute. Les pages tournèrent, quelques interminables minutes s’écoulèrent. La stupeur se peignit progressivement sur le visage du jeune mire, au point qu’Huguelin s’en alarma :
— Mon maître ?
— Ah ça ! Je comprends pourquoi ils l’avaient si bien dissimulé, et étaient prêts à périr pour le protéger, marmonna Druon.
Très intrigué, Anchier tendit la main afin de récupérer le registre, mais Druon hocha la tête en signe de dénégation avant de lâcher d’un ton sans appel :
— Je ne le puis, messire, avec tout mon respect. Je ne puis commettre une telle… faute, immoralité, que sais-je. Le contenu de ce registre appartient à Dieu, à Lui seulement.
— Votre pardon ? s’enquit le secrétaire du bailli, interloqué.
Druon referma le volume et hésita.
— Il y a… là-dedans des secrets qui ne concernent pas les hommes. À l’évidence, le père Simonet faisait transcrire par son scribe la substance des confessions qu’il recueillait.
— Ooohhh, souffla Huguelin.
— Quoi ! éructa Anchier. Une telle monstruosité, cela ne se peut. Enfin, une confession doit rester secrète !
Le secrétaire du bailli avait blêmi jusqu’aux lèvres et ses joues rondes tremblaient. D’indignation ou de peur ? S’avançant de deux pas menaçants, il exigea d’un ton mauvais :
— Donnez-le-moi. C’est un ordre !
Percevant la soudaine détermination rageuse de l’autre, le
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