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Templa Mentis

Templa Mentis

Titel: Templa Mentis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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M. d’Avre, Druon ne pipait mot. Il s’en voulait un peu. En dépit de l’extrême gravité de leur visite – le trépas douteux de trois femmes, sans oublier la disparition suspecte de l’ancienne nourrice de la deuxième –, la situation l’amusait et la crainte qu’il sentait maintenant en ce petit seigneur arrogant encore davantage. Celui-ci lança une dernière parade :
    — En vérité, je ne vois guère l’utilité de mes gens, qui sont bien frustes et je…
    — Entendez : il ne s’agit pas d’une suggestion mais d’un ordre que je puis faire exécuter par la force, s’il me chaut. Allons, exigea le bailli, à bout de patience.
    Luc d’Errefond récupéra l’esconce allumée qui brûlait sur sa table de travail. Parvenu en haut de l’escalier en colimaçon, il héla au service. Aussitôt, le serviteur qui les avait accueillis à leur arrivée surgit. Contrairement à ce qu’ils avaient pu penser, l’homme n’était pas muet. Il s’inclina bas :
    — Mon maître.
    — Demande à… je ne sais… Fernand, Gros Pierre, qui tu veux, de nous rejoindre à la chapelle avec leurs doloires ou ciseaux.
    — Bien, mon maître.

    Ils traversèrent la cour d’honneur, de modeste surface, et franchirent le pont-levis, la chapelle étant située à quelques toises du château. En dépit des pierres tombales qui semaient le jardinet l’entourant, Luc d’Errefond les précéda à l’intérieur.
    — Votre chapelain ?
    — La goutte le cloue au lit.
    — Une chère trop riche, sans doute, ironisa encore le bailli.
    Lorsqu’ils pénétrèrent dans le petit édifice religieux, Druon se fit la réflexion que nul ne devait encore venir y prier. Une respectable couche de poussière terreuse, mêlée de débris végétaux, recouvrait les dalles de sol. Un couple de pigeons dérangé s’envola, filant par une fenêtre au vitrail cassé dans un grand bruissement d’ailes, au point que messire d’Avre leva la tête dans leur direction, puis fronça les sourcils. De menues cavalcades aux quatre coins. Des rats, sans doute. Les lieux, surtout saints, sécrètent un mal-être d’abandon très perceptible. Cet endroit était vidé de présences, d’espoirs, et même des tristesses qu’il avait su un jour apaiser.
    Luc d’Errefond parut hésiter.
    — Vos dames ? le pressa Louis d’Avre.
    — Euh… dans la petite crypte.
    Ils descendirent à sa suite, prenant garde où ils posaient les pieds sur les marches glissantes d’humidité. Une suffocante odeur de moisissure les prit à la gorge, preuve que nul ne venait plus céans.
    Ils débouchèrent dans la salle souterraine. S’y alignaient quatre catafalques sur lesquels étaient posés des cercueils, dont un de petite taille.
    Répondant à un regard du seigneur bailli, Luc d’Errefond expliqua :
    — Mon fils. Mon unique fils de deux ans. Celui d’Agnès, ma première épouse.
    — Mes condoléances.
    Louis d’Avre se fit ensuite indiquer qui gisait dans les autres. Les dépouilles des trois dames d’Errefond étaient alignées par ordre chronologique. Druon remarqua la belle qualité des cercueils en vieux chêne, sur lesquels un long crucifix d’argent était appliqué. Certainement pas l’œuvre d’un serviteur tiré de son lit à la nuit.
    — Vos gens ? exigea le seigneur bailli.
    — Ils tardent. Je puis aller les secouer, pour vous servir.
    — Non pas. Le cas échéant, mon bon mire s’en chargerait. Votre compagnie me plaît tant. L’écourter me serait supplice.
    La moquerie était si insultante que Druon craignit que l’autre ne proteste. Au lieu de cela, il salua en allégeance :
    — Mon honneur, messire bailli.
    Enfin, un pas lourd retentit. Une brute, armée d’une doloire et d’une besaiguë, à la hure d’ivrogne, les rejoignit et s’inclina devant son maître. Sans tergiversations, le bailli ordonna :
    — L’homme, descelle les cercueils, que mon mire examine ces belles dames, avec tout notre respect et nos prières pour le repos de leurs âmes.
    — Ah ça, je vous l’interdis ! hurla Errefond. Profanation !
    La suite fut si rapide que Druon en resta bouché bée.

    Luc d’Errefond se rua vers Louis d’Avre, sa main plongeant vers le fourreau de dague pendu à sa ceinture. Plus vif que l’éclair, le seigneur bailli tira sa lame. Une danse mortelle d’acier luisant. Le sang dégoulina soudain de la plaie en étoile entaillée sur le front du seigneur d’Errefond, coulant entre ses

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