Templa Mentis
Dieu du ciel ! gémit-elle. Le père Simonet, son secrétaire…
— Et ce pauvre Thierry Larcher. Je m’accuse devant Dieu des meurtres de trois innocents. J’accepte le châtiment qu’Il lui siéra de m’imposer. (S’emportant soudain, Plisans tonna :) Vieil obstiné sénile ! Ce vitrail que nous fîmes réaliser afin de guider celui de nos frères qui serait chargé de récupérer les documents, une fois la pierre rouge récupérée… ce vitrail devint l’obsession du prêtre. Ses recherches lui prouvèrent que saint Eustache de Rome se résumait à une jolie fable pieuse. Et alors ? Mais non ! Entêté, borné, ce vieillard n’aurait eu de cesse de le faire détruire, quitte à s’y résoudre lui-même. Il se prit de langue avec Larcher afin de payer de ses deniers un nouveau vitrail, reprenant les motifs de l’initial. Or, sans la pierre, nous n’étions plus capables de retrouver la cachette afin de récupérer les manuscrits pour leur trouver un autre lieu sûr, à moins de démolir toute l’église. Le vitrail de l’arbre de Jessé devait donc persister jusqu’à ce que la pierre rouge nous revienne.
— Qu’avez-vous fait… murmura Héluise dans un souffle.
Plisans ferma les yeux et baissa la tête.
— J’ai tant occis, damoiselle ! Ne me reste qu’un brouillard, celui d’un champ de bataille couvert de cadavres, résonnant des hurlements et des râles d’agonisants. Et pourtant, je les vois tous trois, aussi distinctement que s’ils étaient toujours vifs. Ils hantent mes nuits. Une malédiction sans doute. Une malédiction méritée.
— Je vous plains, du fond du cœur, monsieur. Et pourtant… pourtant…
Elle n’acheva pas, désignant le cadavre de Catherine Fauvel.
— Elle allait vous tuer. Dissimulé dans la chapelle rayonnante du sud, je surveillais. Si vous ne l’aviez frappée, je l’aurais moi-même abattue, peut-être pas à temps pour vous sauver.
— Est-ce une preuve de votre compassion que de m’ôter le poids de la culpabilité ?
Un sourire affligé lui répondit d’abord, puis :
— Je doute que vous soyez coupable du moindre acte vil, damoiselle. Contrairement à moi. Ma seule excuse se résume au fait que j’ai hérité de choix qui n’étaient guère les miens. Pâle excuse.
— Chevalier, je…
— De grâce, je vous en conjure, replacez les manuscrits où vous les trouvâtes. Je scellerai la dalle ensuite. La pierre rouge, je vous prie. Elle nous appartient. Nous seuls pourrons la défendre ainsi qu’il se doit.
Il tendit la main, paume vers le ciel. Après une seconde d’hésitation, Héluise y déposa le joyau.
1 - Inspiré de la tasse romaine de Lycurgue ( IV e siècle). Cette admirable réalisation en verre teinté a beaucoup intrigué. De couleur jaune or, tirant légèrement sur le vert lorsqu’elle se trouve placée dans une pièce lumineuse (lumière réfléchie), elle devient pourpre plongée dans l’obscurité avec une source lumineuse la frappant par derrière (lumière transmise). Récemment, des scientifiques ont expliqué ce phénomène : le verre renferme des nanoparticules d’or et d’argent expliquant ces modifications de couleur.
2 - Insecticides, on faisait également brûler sa poudre afin de faire fuir sorcières et mauvais esprits.
3 - Parchemins en peau de veau mort-né, plus fins que les autres.
4 - Ce qu’ont affirmé longtemps toutes les religions du Livre.
5 - Les Égyptiens pressentirent « l’invisible » 4 000 av. J.-C. Un propriétaire terrien romain, Marcus Varron (116-26 av J.-C.) parla même de « créatures minuscules et invisibles » comme cause de la fièvre des marais. Hippocrate suggéra que des « miasmes » étaient responsables de nombreuses maladies, dont les fièvres. Cette théorie des « miasmes » de l’air ou des aliments corrompus fut reprise par Rhazès (865-925 ou 926) qui alla même jusqu’à recommander que l’on brûlât les vêtements des malades, notamment des varioleux, puis par Avicenne (980-1037), preuve que l’idée qu’un « vecteur » propageait les maladies était bien présente dans les esprits des grands savants de ces époques.
6 - Il semble avéré que certains templiers furent prévenus juste avant leur arrestation et qu’ils eurent le temps de faire disparaître des « biens » très importants à leurs yeux. D’où la légende du fameux trésor que l’on imagina nécessairement composé d’argent et de bijoux. Il
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