Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
habituels, elle le trouva riant aux éclats, une bien belle femme accoudée à son épaule.
    Piquée d’une jalousie primaire, elle s’en fut se dresser devant eux, les poings sur les hanches.
    — Eh bien, dit-elle, faut croire que tout l’monde t’fait pas l’même effet !
    Mathieu serra un peu plus la taille d’Elora. Qui croirait en ce monde qu’elle avait onze ans d’âge et une éternité d’âme dans ce corps de géante ? Alors, pour seule explication, il s’emplit de fierté.
    — C’est ma fille.
    — Ta fille ? Une donzelle si pareil’ment tournée ?
    — Ma fille, oui, et elle ressemble tellement à sa mère… (Il bondit de sa chaise.) que j’ai qu’une envie, foutredieu ! c’est de vitement la lui ramener, ajouta-t-il dans un grand éclat de rire en gagnant la sortie, la main d’Elora dans la sienne.
    Khalil jeta quelques pièces sur le plateau, accrocha au passage une bise sur la joue de la putain interloquée, puis quitta la place à son tour.
     
    La rencontre avec Mounia, Lina et Catarina fut aussi chaleureuse. Les trois femmes les attendaient devant la barque que Nycola avait emplie de leurs affaires.
    Avant de la mettre à l’eau pour rejoindre la caravelle, Mathieu prit Mounia aux épaules et planta dans ses yeux les siens embrumés de vin mais aussi d’un profond respect.
    — Elora m’a tout raconté. Outre ton mari dont nous avons l’affection en commun, nous avons aussi un ennemi. Hugues de Luirieux.
    Elle tiqua.
    — D’où ? Comment ?
    — Il est installé en Royannais où il a été nommé à la charge de prévôt il y a quelques années.
    Elle blêmit. Il l’attira contre lui dans un élan fraternel.
    — Tout ce dont je me souviens, c’est Enguerrand, l’arme au poing dans l’église de Romans pour empêcher les épousailles auxquelles ce fourbe contraignait Hélène de Sassenage. Je ne sais pas ce qu’il en a résulté. J’ai dû fuir, acculé.
    Elle se mit à trembler.
    — Avait-il une chance ? demanda-t-elle.
    Mathieu la berça doucement. Qu’importe qu’elle lui ait été inconnue quelques secondes plus tôt, ils étaient tous liés. Et ce lien, il le sentait à présent, coulait dans leurs veines comme une fratrie puissante.
    — Comme chacun d’entre nous, mais plus encore. Ni sa mère, présente en la nef, ni la noblesse invitée, ne l’auraient laissé achever, assura-t-il.
    Elle s’écarta, forte de cette conviction. Il lui sourit.
    — Si la vengeance d’Enguerrand n’a pas eu raison de ce chien quand nous serons de retour en Dauphiné, alors je te promets, belle Mounia, qu’il nous trouvera tous sur sa route. Il paiera. Oui, il paiera pour ce qu’il nous a fait.
     
    Ce 8 juillet de l’an de grâce 1495 emporta ce serment avec la caravelle dans les eaux de Méditerranée, sans qu’aucun des matelots à bord s’en plaigne.
    Tout juste jetèrent-ils un regard sur la dépouille du Teigneux que le courant entraînait.
    Ils avaient mieux à faire et aucunement envie de le pleurer.

53
     
    En cette fin de journée du 27 juillet, Enguerrand, enfin remis de ses blessures, venait de descendre de cheval dans la cour de la prévôté de Romans-sur-Isère.
    Il n’était pas seul.
    Sidonie de La Tour-Sassenage et son époux Jacques, revenu d’Italie la veille, l’accompagnaient, officiellement pour veiller à ce que le prévôt ne déborde pas le cadre de ses prérogatives.
    La vérité était autre.
    La rage que le chevalier promenait au cœur appelait une vengeance et chaque jour passé dans sa chambre à attendre la guérison de ses plaies n’avait servi qu’à exacerber sa frustration. Sa mère et le baron Jacques l’avaient bien compris qui craignaient une impulsion incontrôlée dont Luirieux se serait encore servi contre lui. Face à ce fourbe, il fallait ruser.
    Enguerrand en était convenu. Et avait accepté leur présence à ses côtés. À regret.
    Hugues de Luirieux éprouva la même déception à les voir s’avancer tous trois dans la cour. D’autant plus grande que le retour de Jacques de Sassenage impliquait de sa part non seulement une retenue à régler cette affaire, mais probablement un geste de clémence. Il ne pouvait courir le risque de déplaire à son beau-père. L’homme était le plus important personnage du Dauphiné. Qui plus est, familier de la maison royale.
    Tandis qu’ils pénétraient dans l’édifice, le prévôt soulagea du stylet qu’il y avait caché l’ourlet secret de sa manche.

Weitere Kostenlose Bücher