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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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profiter.
    Le Teigneux était écarlate. Un peu plus, et de la fumée aurait pu lui sortir du nez. Il fulmina.
    — Morveux ! Tu me nargues, moi, la terreur de ces mers !
    Un rire explosa dans l’encadrement de la porte.
    Un rire de femme.
    — Terreur ? Je ne pense pas. Un homard plutôt ! Et bien cuit, ma foi !
    Piqué au vif par l’insulte, Le Teigneux fit volte-face, et Mathieu se pencha pour accrocher autre chose que la paire de bottes qui venait d’entrer. Son regard remonta sur deux jambes fuselées dans des braies de peau, et une taille bien prise par une ceinture de toile dans laquelle il devina un sabre d’abordage. Pour en voir davantage, il devrait enquiller l’escalier, mais, étrangement, déjà, son ardeur perdue s’en trouva ravivée.
    Un silence de plomb s’était installé dans l’auberge et aux fenêtres que les couards, regagnés de curiosité, avaient investies de l’extérieur.
    Tétanisé par l’apparition, Le Teigneux roulait des yeux fous.
    Mathieu s’accroupit. Il détailla le buste joliment dessiné, la longue tresse châtaine qui y reposait, un menton légèrement carré. Son cœur se mit à bondir dans sa poitrine. Cette allure. Ce timbre. Un prénom accroché. Algonde. Une marche encore, et il saurait peut-être ce qu’il signifiait.
    Elle avança dans la salle. Un pas. Deux. Sûre d’elle.
    — Qui accuse mes hommes m’accuse moi. Alors, Ulrich van Dein, qu’attends-tu pour recommencer ?
    — Tu… Tu connais mon nom ?… Per… Personne connaît mon nom ! s’étrangla Le Teigneux, ahuri, fauché dans sa colère comme un épi de blé.
    Mathieu chercha le vide sous sa semelle gauche, l’emplit du bois érodé. L’autre pied suivit. Il découvrit le visage de l’inconnue au moment où elle le levait vers lui, triomphante et magnifique.
    — Eh bien, moi, Elora de Sassenage, je le connais !… Je te connais !
    En cet instant, Mathieu comprit que c’était à lui et lui seul qu’elle venait de s’adresser. En son crâne soudain bourdonnant, il eut le sentiment qu’un rouage grippé venait de s’ébranler. Une bouffée de chaleur l’envahit, tuant l’ardeur dans ses braies.
    Il n’eut pas le temps de se demander pourquoi.
    Un hurlement sauvage venait de vriller la pièce, réveillant Le Teigneux qui tardait à remettre en place ses idées. Mathieu vit Thomas Guil, surgi en douce de la cave, fendre l’air de son sabre levé, à quelques pas du matelot qui lui tournait le dos. Et dans le même mouvement Le Teigneux arracher le sien et s’élancer vers la pirate.
    Ce fut instinctif.
    Il sauta par-dessus la rambarde pour venir à son aide.
    Pendant une fraction de seconde, Le Teigneux s’imagina que son miraculé le jugeait trop couard pour égorger une femme, fût-elle la plus étonnante et la plus superbe qu’il eût rencontrée.
    Il ne prit donc pas garde à ses arrières et ne comprit vraiment son erreur qu’en voyant s’écarquiller les yeux des badauds et la diablesse s’empourprer d’une giclée de sang frais. Il voulut tourner la tête pour le vérifier, mais s’en trouva incapable.
    — Adieu Ulrich van Dein, lui servit Elora avant de s’élancer vers Khalil qui peinait sous les coups de Thomas Guil.
    Cette fois, Le Teigneux sentit le froid de la lame s’arracher de sa poitrine dans laquelle Mathieu l’avait plantée, puis le piquant du crochet dans sa gorge.
    Il voulut se venger, mais son bras refusa de suivre. La vie le quittait par son artère poinçonnée, comprit-il dans un relent de conscience.
    — T’as r’trouvé la mémoire, on dirait… C’tait pas une bonne idée, gargouilla-t-il en défiant la camarde d’un dernier ricanement.
    Il se tut dans un hoquet sanglant, lâchant son sabre. Mathieu le repoussa de l’avant d’un coup de pied au derrière. Le Teigneux s’écrasa front contre terre dans l’encadrement de la porte, entre les curieux qui s’étaient écartés. Mathieu n’en éprouva aucun regret, même si la raison de son impulsivité continuait de lui échapper.
    — À moi, papa !
    Il se retourna d’un seul bloc, piqué d’une angoisse sourde, et se pétrifia.
    Thomas Guil avait été maîtrisé par un autre homme venu en renfort par la réserve. Elora ne courait aucun danger.
    — Pardonne-moi. C’est tout ce que j’ai trouvé, dit-elle dans un éclat de rire, l’œil pétillant.
    La tendresse enfla en lui comme un raz de marée.
    Il laissa tomber sa lame, les yeux embués, et s’élança pour

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