Terra incognita
potion malfaisante qui avait provoqué ses couches 13 .
Outre l’antimoine, la poudre d’œuf de vouivre et diverses décoctions, Marthe y avait ajouté de son propre sang afin que la petiote la reconnaisse et l’accepte à l’intérieur de son cercle de protection.
Tout avait été ainsi qu’elle l’avait imaginé. Abreuvant régulièrement Elora avec ce mélange jusqu’à ce qu’Algonde quitte la Bâtie pour suivre Hélène à Bressieux, elle avait introduit en la fillette une part indéniable de noirceur, mais aussi une faille qui lui avait permis de découvrir toutes les vérités cachées.
Elle avait ainsi vu Présine veiller sur Algonde dans le Furon et sur cette boule de poils qu’était Constantin. Et compris qu’on l’avait jouée.
Sa première réaction avait été de revenir en Royannais et d’anéantir tout sur son passage. Mathieu, qu’elle avait autrefois mis à sa botte par d’odieux procédés, l’aurait aidée, cette fois de son plein gré. Sa haine, sa colère et sa vengeance se seraient détournées d’elle pour fondre sur Présine et ses enchantements.
Marthe n’aurait plus eu qu’à récupérer Constantin et les deux autres flacons pyramides avant, ensuite, de chercher la table de cristal.
Réfrénant sa colère, elle avait changé d’idée.
Nouveau-né, l’enfant de la prophétie ne lui servait à rien. Trop peu de pouvoirs. Elora de même. Mieux valait attendre et laisser à d’autres le soin de les élever.
Sa quête avait alors commencé.
Au fil des mois, puis des années, elle s’était précisée, sans qu’elle cesse de surveiller le Royannais par le canal de pensée de la fillette qui grandissait.
C’est ainsi que, peu à peu, les éléments s’étaient rassemblés.
Le premier lui était venu d’un constat décevant.
Constantin, en grandissant, s’il manifestait de l’intelligence, ne possédait aucune autre faculté qu’une pilosité de plus en plus marquée. Et Marthe ne voyait pas comment, avec si peu d’arguments, il serait à même de conquérir les Hautes Terres.
Or, Présine veillait sur lui avec une tendresse et une attention qu’elle ne leur avait jamais manifestées à elles, ses filles, exception faite, toutefois, de Mélusine.
C’était là que Marthe avait été piquée.
Car, de fait, la mauvaise, la fourbe avait toujours été Mélusine. Née la dernière, elle était aussi la seule des trois à perdre parfois son apparence humaine. Mélior comme Marthe, du temps qu’elle était encore Plantine, jouissaient d’une nature plus douce, généreuse et réservée. C’était l’influence de leur benjamine qui les avait transformées.
Pour preuve, Marthe s’était souvenue du jour où, avec Mélior, elle avait décidé de punir Elinas d’Écosse, l’époux de leur mère qui les avait reniées et bannies toutes quatre après avoir accusé Présine de trahison.
Mélusine avait craché : « Faites. Je ne me sens pas concernée. »
Elles avaient insisté sur sa présence. Mélusine avait fini par accepter, à l’unique condition que le châtiment soit exemplaire et la fin du roi, souffrance. Elles avaient cédé. Elinas avait été emmuré.
En retour, Présine les avait condamnées toutes trois par cette malédiction.
À y regarder bien, pourtant, le châtiment n’avait pas été équitable. Quand Plantine avait été emprisonnée au cœur d’une montagne et Mélior dans un castel imprenable, Mélusine avait reçu pour peine d’errer jusqu’à rencontrer un homme qui accepterait de ne jamais tenter de percer son secret. Si la mauvaiseté de ses fils n’avait poussé Raymondin à se parjurer, elle jouirait encore de sa liberté.
Pourquoi ?
Pourquoi, surtout, ensuite, Présine avait-elle laissé fondre sur elles les trois harpies, alors qu’elle savait fort bien que Mélusine était protégée par la vouivre ? D’ailleurs, comment leur sœur, retenue par les eaux du Furon, s’était-elle procuré un œuf de cette créature ? Le seul endroit où l’on en trouvait était Avalon, où ils étaient sévèrement gardés par Merlin. Qui le lui avait apporté ? Le mage ? Il n’avait aucune raison de le faire.
Présine…
Quoi qu’elle fasse, Marthe en était revenue à cette conclusion, détestable et injustifiée.
Présine avait protégé Mélusine et cherché à détruire ses deux autres filles.
Par la suite même, alors que, réussissant là où Mélior avait échoué, Plantine s’était sauvée de la Harpie
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