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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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lorsqu’elles communiquaient par la pensée. Le sentiment de ne s’être jamais quittées. Sentiment qui semblait les atteindre tous. Anciens ou nouveaux couples, d’ailleurs, car, en deux mois de traversée, des liens puissants s’étaient noués. Entre La Malice et Catarina, Briseur et Celma, Nycola et Lina. Et jusqu’en les garçonnets, Jean et Mayeul qui rougissaient dès que Carol et Anne, les deux fillettes de Nycola s’approchaient. Pour ne pas citer Petit Pierre et Bertille dont le jeu favori semblait être de se biser sans que personne les remarque.
    L’amour.
    Il les tenait tous, d’une manière ou d’une autre, dans cette arche de l’impossible.
    Ainsi qu’elle l’avait espéré.
    Ainsi que l’être qu’elle aimait l’avait espéré pour repeupler un monde en perdition.
    Et renaître lui aussi.
    Elle referma la cabine derrière elle et s’avança au pied d’un des trois mâts qui supportaient les voiles latines, repliées.
    Tous s’étaient accoudés pour regarder les embarcations gagner la plage.
    Le cœur de Présine se gonfla. Elle les aimait. Chacun d’eux. De tout son cœur. De toute son âme. Elle les aimait.
    Et le leur dirait, ce soir, oui, ce soir, pour qu’ils puissent, dans cet amour, trouver la force de lui pardonner.

70
     
    Ils marchèrent une demi-journée vers l’est, enchaînant monts et vaux, végétation de conifères ou marais, sous un ciel bas et lourd qui, par moments et de manière brutale, crachait des traits glacés. L’automne en Avalon leur rappelait les premières heures de l’hiver en Vercors. Celles qui en souffraient le plus étaient Lina et Mounia qui, jusque-là, s’étaient cantonnées aux douceurs de la Méditerranée. Elles ne s’en plaignaient pas, pourtant, se contentant juste de relever un peu plus haut leur col et de descendre plus bas leur bonnet.
    Il n’empêche, lorsqu’ils atteignirent le cœur du bras de mer, le froid les avait tous transpercés. Par les bottes que les marécages traversés avaient fini par avaler, par les mantels fourrés que les aiguilles de pluie avaient pénétrés avant de se rigidifier. Même Constantin en était gêné.
    Elora était la seule à ne pas sembler en souffrir. Toute son attention était focalisée sur les signes de vie autour d’elle. Ils étaient nombreux, furtifs parmi les colonies d’oiseaux de mer. Là une horde de cerfs aux bois étranges, ici un chuintement entre les herbes hautes, d’en haut une ombre gigantesque, volatilisée par un simple regard aux cieux. Avalée entre deux bandes de nuages.
    Ennemis tangibles ou simples habitants dérangés par leur passage, Elora obligeait ses compagnons à rester sur le qui-vive.
    Parfois, elle se retournait en direction de la tour, sur l’autre bras qui fermait la baie par le sud. Elle sentait la présence de Marthe, partout sur cette île battue par les vents, comme une profonde et nuisible écharde en sa lumière.
    De l’extérieur, pourtant, rien ne le laissait supposer. Pour les siens, qu’elle menait avec assurance vers la cache de Merlin, guidée plus par sa voix intérieure que par la carte qu’il avait laissée, elle était toujours la même, silencieuse, concentrée, leur faisant éviter des sables mouvants dans les creux que la mer infiltrait, une branche basse sur les hauteurs, dans la brume qui, elle aussi, au fur et à mesure de leur progression, pesait sur la contrée.
    Seul Khalil, fidèle à lui-même, ronchonnait. Il se voyait par l’atmosphère aux prémices de son cauchemar et se demandait à quel moment il lui faudrait l’affronter. Il restait si près de sa mère qu’elle manqua par deux fois de s’en entraver. Mounia n’eut pourtant pas le cœur de le lui reprocher.
    Mais lorsque Elora, en tête du groupe, leva enfin le bras pour les immobiliser en disant : « Nous y sommes, c’est sous cette butte, au milieu de l’étang », ils se sentirent tous soulagés.
    Beaucoup moins lorsqu’ils prirent conscience qu’ils n’avaient pas d’embarcation et qu’ils allaient devoir plonger dans le liquide, visqueux, verdâtre, nauséabond et probablement glacial.
    Quittant les bouquets d’ajoncs qui depuis une dizaine de minutes avaient délimité leur progression, ils traversèrent une lande rase et jaunâtre et s’approchèrent du bord.
    Khalil s’accroupit, le nez froncé par les remugles, et y trempa la hauteur d’une phalange. Elle en ressortit couleur bronze. Il fit jouer la texture graisseuse entre le pouce et

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